La 6ème Biennale

Contribution recherchée

Atelier : L'insertion objet de demande ou d'assignation ? Décrochage : comment raccrocher ?


Titre : Décrochage et raccrochage scolaires ou la question de la maîtrise du temps
Auteurs : BIARNES Jean / REDON Cécile / TROCME Céline

Texte :
Lié au colloque sur les "Lycéens décrocheurs" en 1995 à Grenoble, l'expérimentation du Micro Lycée de Sénart (MLS) s'est ouverte en septembre 2000. L'objectif du MLS est double : "raccrocher les décrocheurs" et les amener tous à la réussite au baccalauréat. Pour avoir les meilleures chances de réussir ce double objectif, il s'agit d'éliminer le "refaire du même" pour se placer dans le "faire autrement". L'équipe promoteur de cette innovation pédagogique, persuadée de l'importance d'une analyse en continue de cette démarche difficile fit appel à notre équipe pour assurer le rôle du "tiers analysant" que nous avions développé lors de la seconde Biennale.
La méthodologie consiste en une immersion régulière dans la vie du MLS et de l'analyse des données d'observation (observations situées, discours sur les situations observées et écrits cadrant ces situations. Deux axes les structuraient : l'un était de comprendre les parcours antérieurs de chaque lycéen et l'autre de comprendre les parcours de transformation des attitudes professionnelles des enseignants. De plus, notre présence à tous les conseils permit de relever les questions qui parcouraient la vie du MLS soit de manière ponctuelle soit de manière récurrente.
Une des questions récurrentes s'est imposée comme analyseur tant de la situation innovante du MLS que de la problématique du décrochage scolaire. C'est celle de la maîtrise du temps. Lors des conseils l'équipe était focalisée sur les absences et les retards des jeunes jusqu'au moment où, le conseil releva que plus l'équipe s'en préoccupait plus le taux de celles-ci augmentait. La question fut posée : en quoi l'absence gêne l'enseignant ? L'analyse dépassa alors la simple gêne "matérielle" pour atteindre le sens de la maîtrise du temps par l'enseignant. Maîtrise de son temps mais surtout maîtrise du temps de l'autre. L'organisation pédagogique emprisonne les temps et certains élèves vivent cela comme une telle violence qu'ils "décrochent". La fuite étant la seule solution puisque "nous ne sommes pas entendus". Cela réfère alors à la figure du prisonnier qui s'évade, et c'est cela qui est, inconsciemment, inadmissible par l'enseignant.
Le MLS travailla avec les jeunes cette contrainte du temps dans une "maîtrise partagée" et non plus imposée, ce qui est une véritable "révolution pédagogique". Le taux d'absentéisme tomba. Les enseignants parlèrent alors de "déculpabilisation" face aux absences comme s'ils ne se sentaient plus investis du "gardiennage social" du temps de l'autre.
Ceci nous renvoie à une pédagogie qui mettrait l'élève au titre "d'acteur total" de la situation scolaire, c'est-à-dire co-créateur de l'espace-temps pédagogique. C'est ce que le MLS a réussi dès la première année car 64 % des lycéens présentés au baccalauréat le réussirent alors que l'on monte à près de 85 % si l'on ajoute les réussites partielles.
Nous développerons les conditions et les contenus de cette innovation pédagogique en montrant comment la remise en cause de cette maîtrise du temps oblige à une pédagogie de la relation au sujet. Nous pourrons alors tracer quelques lignes de force de la formation des enseignants si nous pensons qu'ils doivent être aussi des agents de changement.

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