La 6ème Biennale

Contribution recherchée

Atelier : Démarches de formation ? Jusqu'où et comment peut-on professionnaliser ?


Titre : L'intérêt de l'enseignement d'ergonomie dans les différents cursus professionnels
Auteurs : KAPITANIAK Bronislaw

Texte :
L'ergonomie, une discipline nouvelle qui s'occupe de l'adaptation du travail à l'homme a commencé d'être enseignée en France dans les années 1960 et malgré 35 ans de développement continu elle n'a pas abouti à créer un métier reconnu à part entière. Il serait donc intéressant de réfléchir sur les raisons de cet échec.
L'enseignement universitaire d'ergonomie est organisé dans la plupart de cas sous forme d'études post universitaires ouverts aux étudiants ayant déjà le niveau équivalent de la maîtrise dans un des domaines adjacents à l'ergonomie. Selon le pays on peut observer les dominantes : en Allemagne les ergonomes se recrutent parmi les ingénieurs, en Angleterre parmi les psychologues, en France parmi les deux, au Danemark parmi les physiothérapeutes. Aux États-Unis la tendance dominante est l'ingénierie de "human factors" orientée vers la conception de postes de travail sur le plan anthropotechnique - dimensions, forces, postures ; en Europe on voit davantage l'analyse du travail basée sur une approche globale.
Les enseignements post-universitaires sont relativement peu adaptés aux exigences du marché. Conçus pour les personnes ayant une expérience professionnelle, ils les initient surtout à la pratique de l'ergonomie leur permettant d'élargir leurs compétences en tant que médecins du travail, psychologues ou ingénieurs. Plus rarement, certains d'entre eux deviennent par la suite ergonomes professionnels et exercent cette profession soit dans les grandes entreprises soit comme consultants.
Cette situation mérite une réflexion concernant l'efficacité de la formation professionnelle dans tous les domaines liés avec la conception. L'enquête que j'ai réalisée en 1995 auprès de 300 écoles d'ingénieurs en France a montré que seules 8 % d'écoles introduisent dans leurs programmes l'initiation à l'ergonomie. Il n'est donc pas étonnant que les ingénieurs ne sachant pas ce que c'est ne s'en servent pas du tout. Il en est de même pour les écoles de commerce et de gestion et managements où l'ergonomie reste totalement inconnue.
Les raisons de cette réticence vis-à-vis de l'ergonomie sont multiples. Sans aucune prétention d'être exhaustif on va présenter les trois les plus importantes.
La première est d'ordre culturel. La conception est un domaine réservé aux ingénieurs, éventuellement aux architectes ou designers industriels, dont la formation est longue, difficile à acquérir et spécialisée.
La deuxième raison est d'origine économique. Le fait que l'ergonomie ait été souvent confondue avec l'amélioration des conditions de travail a eu pour conséquence l'apparition d'une fausse idée que tout investissement dans ce domaine ne peut pas être récupéré. Or, en réalité l'investissement au niveau de l'ergonomie de conception est parmi le plus payant. Si un ergonome est associé à une équipe de conception son coût est faible, car limité aux salaires. Le choix des solutions technologiques adéquates aux recommandations ergonomiques n'est pas toujours plus coûteux, ni plus compliqué, alors que les changements d'une technologie une fois choisie s'avèrent parfois impossibles.
La troisième raison consiste en la complexité de l'ergonomie. Par rapport au monde de construction - carré, rigide, défini, parallèle - auquel il est habitué et qu'il maîtrise bien, le monde vivant - variable, instable, flexible, sériel - le gêne car il ne peut pas le maîtriser complètement.
Il faudrait donc vaincre ces réticences si l'on veut que l'ergonomie entre dans l'usage commun dans la conception des postes, des systèmes et des produits. Cette bataille devrait commencer le plus en amont possible - à l'école.

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