La discipline dans la classe est souvent conçue comme l'imposition de règles édictées par l'enseignant visant à maintenir son autorité sur le groupe des élèves. Le phénomène semble en réalité plus complexe. Le maintien de l'ordre dépend fortement de l'orientation de l'activité pédagogique et de l'ajustement en situation de l'enseignant face à ses élèves, mais il est aussi étroitement lié à des conventions et à des dispositifs déterminés en partie en dehors de la situation d'enseignement. S'il est donc nécessaire d'être attentifs à la construction des règles et à leur mode de régulation des interactions, il convient de mettre en évidence les dispositifs et les objets participant par eux-mêmes à l'exercice de la discipline.
De plus, l'imposition de règles constitue une condition nécessaire à l'établissement de l'ordre mais elle n'est pas suffisante. En effet, elle donne lieu à de multiples interprétations qui ouvrent un espace de négociation dans la classe. Elle nécessite également un travail de justification de la part de l'enseignant pour faire face à la critique et à la résistance des élèves. Enfin, elle oblige l'enseignant à mobiliser un ensemble de techniques de maintien de l'ordre lui permettant d'éviter le basculement de la situation dans l'indiscipline ou la violence. De leur côté, les élèves tentent d'échapper à l'emprise de la règle par des manoeuvres ou des comportements de résistance visant à contrecarrer leur enrôlement dans l'activité pédagogique. Dans cette étude de l'INRP (Groupe d'Etudes Sociologiques), à partir d'observations et d'entretiens conduits dans plusieurs classes au collège pendant une année, nous avons cherché à mettre en évidence la nature de ces comportements le plus souvent qualifiés d'"incivilités" mais qui témoignent en fait de l'étendue des capacités critiques et des modes d'engagement des collégiens au travail.
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