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L'éducation dans Le Figaro. Analyse du discours du quotidien de 1974 à 1981.

Auteur(s) : GAUCHON Philippe

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bull2.gif (117 octets)   L'objet de cette communication est de présenter une thèse en cours sur le discours politique du Figaro concernant l'éducation. La partie la plus achevée traite des arguments employés dans les éditoriaux et les chroniques. Après avoir indiqué le cadre méthodologique de la thèse, il s'agira de rendre compte des arguments du Figaro à travers ses chroniques et ses éditoriaux. Ce sous-corpus semble être le socle idéologique des 168 articles tirés au sort de 1974 à 1981.
-1-INTRODUCTION:
bull2.gif (117 octets)  Plus que les autres thèmes abordés par la presse, l'éducation touche la famille, cristallise les apologies et les critiques, fait naître des représentations, suscite des attentes. Selon G.Derville1, l'influence des médias est sur le pôle du renforcement des opinions déjà acquises, c'est à dire de la conservation. Ils influencent en exerçant un fort effet d'activation: ils permettent à des opinions ou à des attitudes, qui existent déjà à l'état latent, de devenir conscients; ils transforment des prédispositions en opinions, puis en comportements effectifs. D'autres chercheurs pensent que les médias peuvent exercer une influence substantielle. Mais avec un diagnostic qui ne vaut que pour des circonstances spécifiques, et pour certains publics seulement.
bull2.gif (117 octets)  Ceci actualise la question des rapports entre la presse, la justice, l'Etat, l'opinion publique donc du pouvoir en général. Les parents sont donc de plus en plus concernés par cet environnement médiatique qui est à la disposition du plus grand nombre et qui déploie en même temps une activité de persuasion. Selon P. Breton2, " argumenter , c'est d'abord agir sur l'opinion d'un auditoire, de telle façon que s'y dessine un creux, une place pour l'opinion que l'orateur lui propose. Au sens fort, argumenter, c'est construire une intersection entre les univers mentaux dans lesquels chaque individu vit ". Cela nous introduit d'emblée dans la problématique soulevée par les sciences de l'information et de la communication: celle de la liberté individuelle à se faire une opinion. Une presse qui est liée à la société du moment, relatant les faits mais commençant à créer l'opinion publique d'autant plus que les citoyens s'instruisent et ont accès aux journaux. A travers les savoirs écrits, c'est toute l'histoire des pouvoirs de la presse sur les individus qui est à l'œuvre.
bull2.gif (117 octets)  L'évolution du discours du Figaro, à travers les articles, constitue donc un excellent révélateur de la ligne de partage entre les droites et les gauches. C'est là que le thème de l'éducation prend sa pertinence et par là même sa saveur en inscrivant ses enjeux dans les sciences politiques. R.Rémond qualifie Le Figaro de 1974 de conservateur libéral puis de quotidien ayant des positions plus dures à partir de 1975 (période Hersant). Ce que dit Le Figaro concernant l'éducation est à mettre en rapport avec les autres forces en présence ( Le Monde, Libération ) c'est tout l'échiquier politique qui est la toile de fond des rapports d'attirance et de répulsion des médias. Au centre des convoitises des partis de droite afin de préparer au mieux les législatives de 1978 et la présidentielle de 1981, Le Figaro participe à l'ascension politique de R.Hersant tout en soutenant une composante des droites françaises.
-1-METHODOLOGIE:
bull2.gif (117 octets)  LA QUESTION:
bull2.gif (117 octets)  Quel est le discours politique du Figaro concernant l'éducation, à travers les articles signés de 1974 à 1981? Quelles sont ses positions au sujet des thèmes relatifs à l'éducation, sa ligne de pensée et l'évolution de tout ceci sur la période.
bull2.gif (117 octets)  L'OBJET:
bull2.gif (117 octets)  C'est l'étude du discours politique du Figaro concernant l'éducation, donc des articles signés présents dans ce support de presse. Il s'agit de qualifier tant au niveau quantitatif que qualitatif.
bull2.gif (117 octets)  L'HYPOTHESE:
bull2.gif (117 octets)  Le discours politique du Figaro concernant l'éducation varie selon l'année et les thèmes éducatifs car il est soumis aux changements politiques affectant l'Elysée et Matignon. Soutenant tour à tour une partie des droites, Le Figaro présente plus des discours qu'un seul discours, deux lignes politiques (réformatrice, conservatrice) selon les thèmes éducatifs du moment. Au lieu d'une division très marquée sur l'éducation, entre les droites et les gauches, due à des oppositions idéologiques très fortes, la ligne de partage semble plus passer par des thèmes éducatifs qui rassemblent ou opposent une partie des deux camps.
bull2.gif (117 octets)  LE DISCOURS POLITIQUE DU FIGARO:
bull2.gif (117 octets)  Il s'agit de partir d'un corpus d'articles signés (tirés au sort au sein des articles3 " réactifs " et " de fond ") pour caractériser le discours politique du Figaro. Selon J.Dubois, un discours politique est ce qui est reçu comme discours politique car il est l'objet d'une lecture politique. Il est spécifique car c'est un mélange d'une fonction didactique (persuasion par la raison) et d'une fonction polémique. Deux facteurs, interne et externe le caractérisent.
bull2.gif (117 octets)  Au cours de la thèse, nous traiterons des arguments présents dans les articles, de leurs enchaînements, de leurs références idéologiques. Dans l'étude de ce discours savant4 en éducation, deux niveaux seront étudiés et mis en perspective: le sous-corpus des chroniques et des éditoriaux et le sous-corpus des 168 articles signés tirés au sort. Dans un second temps, nous mènerons une analyse lexicomètrique avec les logiciels lexico 2 et lexploreur. Ces travaux se situent dans la perspective de M.Tournier, S.Bonnafous, A.Salem, S.Heiden.
-2-LE SOUS - CORPUS DES EDITORIAUX ET DES CHRONIQUES:
bull2.gif (117 octets)  De 1974 à 1981, il y a peu d'éditoriaux (12) et de chroniques (53) : cette période de sept ans rassemble presque autant d'éditoriaux qu'en 1983 (10) année où les éditorialistes se consacrent à la défense de l'école libre. Du point de vue de la surface, le classement par ordre décroissant est le suivant: 1979, 1980, 1975, 1974, 1977, 1976, 1981, 1978. Les thèmes présents dans les éditoriaux et les chroniques concernent, par ordre d'importance en nombre : le système d'enseignement , les niveaux d'enseignement secondaire et supérieur, le français, la jeunesse, l'enseignement privé, la formation. Nous développerons plus particulièrement les quatre premiers thèmes.
bull2.gif (117 octets)  LES THEMES TRAITES :
bull2.gif (117 octets)  Tous les thèmes sont abordés de façon critique, le discours est explicite. De nombreux auteurs appartiennent à l'académie française (Gaxotte, Branche, Emmanuel), ils écrivent également sur d'autres thèmes. Face à cette unité des énonciateurs, nous devrons tenir compte d'un auteur atypique: R.Aron5 . Ses chroniques sont plus celles d'un intellectuel soucieux d'analyser la société que le signe d'une appartenance à la droite française.
*LE SYSTEME D'ENSEIGNEMENT :
bull2.gif (117 octets)  Les chroniques critiquent à la fois ses différents acteurs, son fonctionnement, ses objectifs à court terme pour les élèves. L'inertie du système et sa propension à toujours réformer sans attendre sont les principaux obstacles dénoncés par les auteurs. Selon R.Aron dans "l'idéologie de la modernisation du système éducatif ", le changement touche plus les mots que les choses, c'est le dogmatisme du ministre qui en est responsable. Guéhenno précise que " l'enseignement ne doit pas changer avec les majorités et les ministères " que " rien de plus coupable de plus pernicieux que la politique de parti en matière d'enseignement ".
bull2.gif (117 octets)  De plus, il ne voit pas nettement quelle idée de l'homme oriente les débats " il faut se demander ce que l'on veut "comme P.Valéry. Le ministre, les considérations politiques, le manque de projet concernant l'homme à former sont mis en question. C'est un premier point d'ancrage des arguments du Figaro sur l'éducation. Ces derniers sont à la fois généraux et spécifiques : " on a substitué l'éducation ( nationale ou pas ) à l'instruction ( publique) ", " il y a un enclavement intellectuel des universités " ; " il y a une incapacité à définir ce qu'il doit y avoir d'unique, unifié et unitaire et ce qu'il doit avoir de différencié et de divers ". Selon les chroniques, le système produit l'échec scolaire en évitant de sélectionner, tout en cumulant les réformes ( " les facultés ne peuvent pas être le seul débouché des enseignants à l'enseignement, surtout en lettres et en sciences ", " la professionnalisation des étudiants doit être menée "). En 1976, R.Aron écrit que c'est l'occasion pour Valéry Giscard d'Estaing d'affirmer son personnage de réformateur musclé concernant la professionnalisation des étudiants.
*LE SECONDAIRE ET LE SUPERIEUR:
bull2.gif (117 octets)  Ces niveaux d'enseignement sont envisagés à travers des chroniques centrées sur les réformes. Deux niveaux d'analyse peuvent être repérés : le premier est le fait des académiciens ( à l'exception d'Alain Peyrefitte), les arguments prônent la sélection: " Comment chez nous a-t-on pu faire croire aux jeunes et à leurs parents que les notes, les examens, les prix, les rangs, les mentions, les concours sont antidémocratiques, alors qu'ils représentent la meilleure chance qu'ont les fils d'ouvriers, de paysans, de petits fonctionnaires, d'employés, bref les fils de pauvres et de demi pauvres de passer sur le dos des fils de riches? ". Le second est mené par R.Aron qui développe une critique sur les réformes accompagnée d'une prospective : " quel sera le devenir des bacheliers qui n'entreront pas en faculté et de celui des étudiants en lettres et en sciences qui n'entreront pas tous dans les centres de formation des maîtres? ". Le passage de l'enseignement du second degré à l'enseignement supérieur et, du même coup, le passage de l'élève ou de l'étudiant à la vie active sont mis en question.
bull2.gif (117 octets)  Si la réforme Fontanet est soutenue par le Figaro, la réforme Haby est très critiquée, selon R.Aron "on compte trop sur les préférences des jeunes au risque de ne plus conférer à l'école la transmission d'une culture savante, ainsi les enfants des classes bourgeoises risquent aussi d'aller vers le privé suite au tronc commun imposé par la réforme... ", enfin "il faut réaliser une meilleure adéquation de l'enseignement scolaire et universitaire aux nécessités de l'économie ".
Cette position est contraire à celle de la gauche et à celle des syndicats enseignants qui voient dans l'entreprise un danger pour les élèves.
*LE FRANCAIS:
bull2.gif (117 octets)  Pour la totalité des auteurs, le niveau scolaire baisse, " on n'apprend plus à l'école ce qu'on doit savoir, on y reste donc plus longtemps "
bull2.gif (117 octets)  Selon eux, plusieurs éléments ont contribué à " l'assassinat du français ", leurs arguments concernent à la fois l'impuissance des réformes ( " les différentes réformes sont motivées par le seul souci de changement " , " ce sont les intérêts catégoriels qui sont mis en avant "), l'absence de finalités ( " il y a un manque de projet fort concernant le devenir de l'enfant ", " le ministre de l'Education nationale vise la proposition de suggestions essentiellement pratiques "), le problème des méthodes ( " sous toute sortes de noms, de prétextes, méthode globale, tronc commun, rénovation pédagogique, ouverture sur le monde, démocratisation, égalisation des chances, conquête de la linguistique, l'idée qui a guidé les prétendus réformateurs est qu'il fallait en fini avec la langue française pourvue d'une orthographe "). Les propositions des académiciens visent " une conception renouvelée des rapports entre l'école et le milieu ", " la langue, le français comme un rapport au monde ". Comme pour le thème du système d'enseignement, on retrouve des arguments forts sur le type d'élève que l'on veut former, des auteurs à étudier. Selon P.Gaxotte, " l'assassinat du français " sert une fin qui est politique: " veuillez croire qu'un système dont la raison secrète est de fournir aux meneurs des masses abêties, incapables de formuler une pensée, déterminera l'avenir du pays ".
*LA JEUNESSE:
bull2.gif (117 octets)  Il apparaît que l'enseignement est le lieu où se déroule un endoctrinement de la jeunesse qui a pour origine les événements de mai 1968. De là découlent les maux actuels dont M.Clos dit que " les répercussions se font aussi sentir dans les actes de violence commis par des minorités à Vincennes " et " dans les modes d'élection dans les conseils d'université ". Mai 1968 est le symbole de l'endoctrinement d'une jeunesse par rapport à certains idéaux marxistes qui se sont effondrés par la suite. Aux repères, modèles, valeurs à donner à la jeunesse se substituent des éléments dénoncés par les chroniques: " c'est la disparition de la discipline au profit de l'autodiscipline ", " les modèles étudiés en littérature au profit de l'actualité " La référence au passé, l'exaltation de modèles à travers différentes anecdotes sont employés par les auteurs: " une des bases de notre enseignement moral était la pratique des auteurs du dix-septième siècle, le grand siècle de la volonté ". Une chronique s'intitule " ils auront droit de se plaindre ", elle résume bien la position du quotidien qui accuse l'héritage de mai 1968 (" il est interdire d'interdire ") et les autres formes qui se sont substituées aux interdictions (ex: les conseils de discipline) qui ne remplissent pas toujours leurs missions.
bull2.gif (117 octets)  Même certains parents sont visés: " pourquoi diable les parents n'exercent-ils pas cette autorité qu'ils regrettent d'avoir perdue et que leurs enfants ne songent même plus à leur contester sérieusement? "demande Max Clos, " les enseignants font tout pour les décourager ". L'entrée des parents dans les conseils des lycées et de collèges " est une loufoquerie " selon P.Gaxotte qui les soupçonne d'introduire des querelles de partis à l'école.
bull2.gif (117 octets)  CONCLUSION:
bull2.gif (117 octets)  Le Figaro rapporte en premier lieu des faits, le traitement de ceux-ci obéit à des choix, il s'agit également de convaincre ou de rassurer les lecteurs. Les chroniques et les éditoriaux comportent une argumentation que l'on peut retrouver au sein des articles du quotidien, celle-ci consacre l'existence d'un socle idéologique auquel peuvent se référer à la fois le lectorat et les auteurs des articles. Argumenter s'inscrit dans le triangle traditionnel " émetteur-message-recepteur " qu'étudient , sous toutes ses formes, les sciences de la communication, pour P.Breton 5 " La spécificité de l'argumentation est de mettre en œuvre un raisonnement dans une situation de communication ". L'éducation présente des arguments qui réfèrent à des valeurs (le sens de l'effort, le dépassement de soi...) à des figures emblématiques des droites françaises, au passé, à des métaphores sportives pour prôner la sélection. En ce sens on peut trouver les fondements de la pensée conservatrice du Figaro qui s'affirme aussi bien sous le gouvernement d droite que celui de gauche avec son thème de prédilection: la jeunesse. L'académie française alimente, pour une grande part ce type de discours. Dans le même temps, les réformes des " ministres de droite " sont critiquées, des propositions émergent comme la nécessité de la formation et de professionnalisation de tous les élèves. Un idéal est proposé à la jeunesse. Enfin l'analyse des 168 articles nous permettra de révéler la frontière entre les droites et les gauches, les discours progressiste et conservateur. L' effet du discours sur les lecteurs peut être l'objet d'une autre thèse...
1 " Le pouvoir des médias: mythes ou réalités " , PUG, 1997
2 " L'argumentation dans la communication " , p 22, la découverte, 1996
3 Vingt-cinq genres ont été répertoriés par S.Bonnafous in " Immigrés et immigration dans le presse française de 1974 à 1984, Analyse de discours ", thèse de doctorat 1990, Paris IV
4 Selon Jacky Beillerot, ils sont définis comme étant " tous les énoncés écrits de quelque source que ce soit, sur tous les supports disponibles ; c'est à dire que la notion est extensible puisqu'elle comprendra aussi bien les discours politiques que syndicaux, les conseils pratiques que les textes pédagogiques, les traités et les thèses, les articles ou les livres. En revanche sont exclues les études de manuels sous leurs aspects didactiques, les livres d'imaginaire ainsi que toute la littérature en faveur des jeunes ".
5 P.Breton " L'argumentation dans la communication ", La Découverte,
1996