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Entre une visée identitaire et une visée pragmatique
Alain Crindal, Chargé détudes
Didactiques des enseignements technologiques - INRP
- L'histoire mouvementée d'une technique d'enseignement
- Un cadre théorique peu consistant
- Les confusions actuelles et les réductions possibles
- Les représentations du projet dans le cadre de l'option informatique
- Un cadre théorique pour décrire et relire les projets finalisés de l'option informatique
- Quelques éléments bibliographiques
Aujourdhui, dans le champ éducatif comme dans celui du monde du travail, le terme
de projet donne souvent limpression dinconsistance tout en semblant être
prisé pour des vertus incantatoires. Il nen a pas toujours été ainsi.
L' HISTOIRE MOUVEMENTÉE D' UNE TECHNIQUE D' ENSEIGNEMENT
Les volontés de projet dans lenseignement, lhistoire dune dissémination internationale discontinue dans quelques étapes remarquables
Le projet, un exercice puis une méthode régulière denseignement
Si les premiers concours de lAccadémia di San Lucia ont lieu en 1596, en réalité le "projetti" entre régulièrement dans la scolarité des architectes italiens en 1702. Il sagissait alors dexercices imaginaires qui ne devaient pas être finalisés.
Cest en France que lAcadémie royale darchitecture (1671) inclut dans lenseignement les concours du "Prix de Rome et des "Prix démulation" (1763) et valide ainsi lidée de projet comme méthode scolastique.
Le projet dans les universités techniques européennes et américaines
Inscrit dans lenseignement de larchitecture, lapprentissage par le projet est progressivement utilisé dans les grandes écoles pour les ingénieurs dont les principales créations ont lieu au XIXème siècle.
La transplantation américaine met la notion en débat
Vers 1870, contrastant avec les enseignements européens, Robinson demande que ces élèves ingénieurs puissent réaliser "un acte complet de création". Cette formation dingénieur-praticien implique non seulement quils dessinent leurs projets mais aussi quils les réalisent en atelier.
En 1887, Woodward instaure un temps pour que les élèves de lécole secondaire puissent développer des projets dans lEnseignement Manuel (après une "instruction" fournissant les compétences techniques, les "exercices synthétiques" des projets jouent le rôle de "construction").
En 1890, Richards intègre ces deux moments dans un projet de travail qui constitue "le moyen le plus naturel et le plus efficace" pour développer lesprit communautaire à lécole (cest le premier glissement du projet pragmatique vers le projet identitaire).
À cette époque, des courants pédagogiques interrogent le sens à donner au projet :
- la notion de contrat individuel négocié (Plan Dalton)
- le droit pour lélève de choisir son programme de travail (Méthode Winnetka)
- lidée dune formation cognitive basée sur lexpérience (Méthode Dewey, "Learning by doing").
Une méthode des projets émerge
Kilpatrick propose un système denseignement essentiellement actif où la connaissance sera acquise grâce à la méthode des projets (Ecole fonctionnaliste de Chicago). Il en définit les étapes : choisir un but, planifier laction, réaliser les tâches planifiées et évaluer les résultats. Il considère lactivité "intentionnelle" comme étant le trait caractéristique de la méthode de projet, lactivité "constructive" nétant que secondaire. Dewey exprime son désaccord.
Aux alentours de 1923-30, en URSS, les éducateurs progressistes sinspirent de la méthode des projets de Kilpatrick. La Méthode des complexes est basée sur le principe que toute activité utile à la société peut être source déducation. Cest lécole du travail.
Le projet revient en Europe
Le statut dobjet, pour lélève, passe à celui de sujet de sa propre formation grâce aux travaux de pédagogues comme Cousinet, Decroly, Freinet, Makarenko ou Montessori. Si ces pédagogues nutilisent guère la notion de projet, cependant leur influence permet aux méthodes progressistes dêtre admises comme des solutions viables pour les réformes scolaires, tant sur le plan historique que conceptuel. À la fin des années 1960, les projets apparaissent à nouveau comme une alternative possible aux cours traditionnels. Ils sont mis en avant en raison de leur pertinence pratique, interdisciplinaire et de leur impact social. À partir des années 1980, il est théoriquement admis que ce qui différenciait un cours normal de la méthode de projet sest réduit, leuphorie du projet sévapore progressivement. Cest à cette époque, en France, que lidée du projet est reprise pour lensemble de linstitution scolaire grâce à Legrand.
Lhistoire française de lapprentissage par le projet ... au projet technique
La volonté dapprentissage par le projet réapparaît en France dans les années 70, elle est dans la lignée des pédagogies actives, coopératives, institutionnelles. La mise en uvre dun projet est alors définie comme une série dactions à répertorier, à organiser, à mettre en uvre pour obtenir un "groupe-classe" centré sur une activité fédératrice.
Les initiatives qui sont prises séparent bien un enseignement des disciplines de base et des activités exceptionnelles construites sur le principe du projet :
- Les 10 % (1973) deviennent vite une zone de liberté crée dans un but compensatoire des défauts de lautre zone !
- Les PACTE, projet daction culturelle, technique et éducative (1979), sont conçus pour motiver les élèves (faire "passer à la pratique", ce que les cours traditionnels ne souhaitent pas faire).
- Les P.A.E. projet daction éducative (1981) formalisent pour la première fois une conduite du projet : analyse des besoins, définition des objectifs, procédure de suivi et dévaluation. Ils préconisent le développement de la pédagogie de projet.
Cependant sur la même période, dans lenseignement technique ou professionnel, le projet technique est distingué dans sa double identité. Lune, globale, est associée au métier de lingénieur auteur de son projet ou bien au chef duvre de lartisan, chère au compagnonnage. Lautre, analytique, renvoie à une exécution planifiée dun tout redistribué entre chaque technicien. Cette part projective est conçue comme une partie du projet global, elle est bien représentée dans les tâches correspondant au métier de dessinateur-projeteur interprète fidèle, mais partiel, de lidée de lingénieur.
Globalement cette approche historique nous fait constater un dualisme de cheminement entre le projet comme technique de simulation de pratiques productives et le projet comme méthode de construction identitaire. Nous restons en présence dun concept nomade, car "ce nest pas à la fois la même réalité qui traverse le projet dorientation du jeune, le projet dentreprise, la gestion par projet, le projet technologique et le projet architectural", nous avertit Jean-Pierre Boutinet.
UN CADRE THÉORIQUE PEU CONSISTANT
Un débat paradoxal autour de la notion de projet
Pour Ardoino, il est difficile dignorer que toute action pédagogique comporte naturellement en son sein lidée de projet. Toutefois un usage excessif est sans doute un indicateur de dysfonctionnement. Toute entreprise humaine est porteuse dun projet, et toute action pédagogique néchappe pas à cette règle. Pourquoi fabriquer alors lexpression redondante de "pédagogie de projet" ? Dun projet, qui est lâme dune démarche, pourquoi certains nen font-ils quun outil ?
Cest pourquoi Boutinet insiste sur la dualité interne au projet. Le projet est une réponse adaptée aux univers faits de complexité telle que peut lêtre le milieu technique. Chaque fois que le milieu technique engendre des situations impliquant une approche multidimensionnelle, le projet émerge comme mode privilégié dadaptation. Le projet architectural constitue la matrice historique et méthodologique de tous ces projets. Toutefois les philosophes, les psychologues, les sociologues, les économistes sefforceront toujours de penser un "projet humain" qui aide les individus à orienter leurs aspirations, construisant un sens susceptible de conjurer labsurde de leur condition.
Cependant Brunetière fait valoir les inquiétudes sous-jacentes provenant dune idéologie du progrès qui conduirait lhomme à vivre par procuration dans une planification totale. En nous détournant du passé, nous partons à la conquête dun futur aux limites toujours repoussées. Cette idéologie du progrès, de la modernité, de la croissance et du changement vise la maîtrise de lenvironnement, de lespace et du temps. Vivre dans, par et pour le projet peut conduire à vivre par procuration dans lisolement croissant de lindividualisme ambiant. En ce sens, le projet nest pas accessible à tous les individus et encore moins à toutes les cultures.
Dans un esprit de synthèse, tout en considérant que cest une mission essentielle pour léducation, Not souligne la difficile dialectique des projets finalisés. Lhomme a besoin danticiper la réalisation de la plupart de ses actes, il appartient donc à léducation dapprendre aux jeunes à construire des projets suivis deffets. Cet apprentissage est difficile car il repose sur une dialectique entre un imaginaire déventualités et un réel consistant qui, lui, résiste souvent.
Comme instrument de gestion du complexe, le projet se légitime dans les cultures où la quête du futur est un défi sous légide de la modernité. Mais la notion, porteuse dune image "dagent double", peut-elle être transposée sans dérive dans le milieu éducatif ?
LES CONFUSIONS ACTUELLES ET LES RÉDUCTIONS POSSIBLES
La notion de projet est sous la pression dinfluences connexes
Les acceptions du projet, saisies à partir du monde économique, ne pourraient sans prudence servir de référence aux organisations productives scolaires. Les solutions de management par projet, dans le contexte de grandes sociétés industrielles ou commerciales, sont considérées comme une véritable source defficacité et déconomie. Cependant la transposition à lécole dun de ces modèles dorganisation est difficilement envisageable. La déontologie que lon doit maintenir dans toute mission éducative nous en écarte : le chemin de lefficacité pédagogique ne se déduit pas automatiquement de celui de la compétitivité industrielle.
Certaines de ces notions sont construites en interne, dans le milieu éducatif, elles viennent perturber le sens que lon peut attribuer au développement dun projet finalisé comme ceux qui sont proposés dans le cadre de loption informatique. Pour la collectivité scolaire, le projet détablissement est paradoxalement un projet rendu obligatoire à tout établissement public car il est devenu une source de moyens. Pour lindividu, le projet de soi qui relève de lintimité du sujet est sollicité par les adultes qui interviennent dans le projet dorientation.
Dautres traductions sont opérées dans la didactisation des situations de projet. Ainsi la résolution de problème et la démarche design sont présentées dans des logiques assimilatrices entre problème et projet ou entre projet et design. Nous devons apprécier le sens de tels glissements. Lun conduit à la suppression de lidentité même des projets finalisés, lautre est une réduction centrée sur la démarche de conception.
Ces vocables sont révélateurs dune difficile distinction entre pédagogie de projet et projet technique. Ils sont également des sources de confusions entre projet et produit, entre projet et techniques informatiques ou encore entre le projet pédagogique et les connaissances mises en uvre. Ainsi défini le projet est devenu un concept nomade.
Au cours de la mise en uvre des projets des réductions peuvent sesquisser. Elles sont dordre pragmatique lorsque les buts économiques et productifs supplantent les autres ; dordre didactique lorsque, sous couvert de motivation, le projet est une façon détournée de traiter tous les contenus dun programme ; ou dordre socio-pédagogique lorsque, sous prétexte dentraînement à lactivité collective, primauté est donnée à un travail de groupe conçu comme une entité capable de masquer les identités individuelles.
Ces réductions peuvent conduire à des situations pédagogiques discutables :
- Lenseignant saccapare le rôle de chef de projet, les élèves deviennent les exécutants dune pensée qui leur échappent.
- Le lycéen dirige tout et lenseignant laisse faire sous prétexte dune "autonomie" nécessaire.
- La soumission à lattrait de la nouveauté technique est une règle de vie.
- Une méthode unique (ou lusage dun seul outil technique) guide lensemble des développements des projets. Des processus, ou des outils "prêts à porter", programment des projets standardisés et formels.
LES REPRÉSENTATIONS DU PROJET DANS LE CADRE DE L'OPTION INFORMATIQUE
Dans la didactique prescrite et normative
Le texte du B.O. du n° 30 du 4 septembre 1997, sil reste une référence, lorsquil est repris dans la feuille de commentaires pour lévaluation du projet au bac session 1999 (synthèses des travaux des commissions académiques pour le bac, Paris-Créteil-Versailles, p. 4) fait cependant preuve dun amalgame conceptuel dommageable.
La première ambiguïté vient des deux sens disjoints qui sont attribués au même terme de projet :
- "le projet est une stratégie pédagogique, ... le travail en projet", cela correspond au projet de lenseignant et donc à sa méthode pédagogique - référence est faite à la pédagogie de projet chère à L. Legrand ;
- "il réalise dans son projet, ... lévaluation du projet", cela concerne, en revanche, le projet technique conduit par lélève, cest-à-dire le processus qui permet à lélève délaborer un "objet informatique", preuve ultime de la mise en uvre de ses compétences et de lutilisation de ses connaissances.
Le premier sens dartifice pédagogique donné ici au projet, place en avant lévaluation des concepts et notions dinformatique (ce qui a normalement déjà été fait dans les contrôles écrits). Ce même sens révèle plus clairement la position perverse dun "projet-alibi" permettant à certains professeurs denseigner de linformatique.
La deuxième ambiguïté vient de la nature même de ce qui est visé dans lintroduction des projets. Ce point primordial est présenté dans le B. O. sous deux aspects : "la capacité de mettre en uvre dune manière raisonnée. Cette réflexion et cette connaissance dans la conduite et la réalisation dun projet" et, plus loin, pour lévaluation de lélève, on prend en compte "les connaissances et la mise en uvre des méthodes ( ) la capacité à conduire ( ) et à réaliser ". Les commentaires des commissions traduisent cette visée : "cest bien lélève et son apprentissage des concepts et notions dinformatique du programme qui est évalué ( ) en aucun cas le produit quil réalise ( ) le travail en projet permet également lacquisition de capacités transversales "
Le projet réalisé par lélève est fait de savoirs en actes qui utilisent ses connaissances et qui visent une finalité commune : le produit informatique. Si le "produit" nest pas le seul élément à prendre en compte dans lévaluation, il est cependant impossible de soustraire de lévaluation ce que lélève considère, bien normalement, comme son chef duvre. Un projet technique informatique cela ne se dirige pas principalement par les compétences. Peut-on raisonnablement laisser des élèves se lancer dans un projet où ils nont aucune compétence ? Le projet donne sans doute plus loccasion de mobiliser ses compétences, plutôt acquises antérieurement, que dacquérir des connaissances.
Quant à limplication de lélève et à sa conduite du projet, ce sont des attitudes et des savoir-faire que nous devons lui enseigner. En ce sens, choisir la piste unique des connaissances de concepts ou de notions dinformatique pour élaborer un projet serait une fausse piste. Dans un projet, les rôles sociaux, la nature des tâches accomplies pour atteindre les principales étapes et la maîtrise du contexte tout au long du processus, sont à identifier, à apprendre et ultérieurement à évaluer.
Dans lexpression des enseignants à propos de leurs pratiques
(Etude des débats des commissions académiques du bac de 1998, 1999, 2000 et résultats du stage de formation de 1998 de lacadémie de Versailles)
On retrouve les mêmes ambiguïtés que celles constatées dans tous les projets
Les enseignants se représentent le projet dune manière similaire à celle des textes servant de prescription. Les projets sont décrits suivant quatre axes.
Les notions, les concepts, les techniques informatiques mises en uvre
- Les logiciels : Visual basic, MO, Turbo pascal, Internet assistant, Power point, Neo Book
- Lactivité technique : Programmation, effets spéciaux
Les connaissances : contenus disciplinaires, thèmes détude
La moto, les BD, une expo de peinture, la biologie, la guitare, la télédétection, le jazz, la voiture, laviation
Le genre du produit :
La présentation du lycée, un year book, une traduction.
Le support du produit :
Internet, HTML, Web, Multimédia, Hypermédia, Hypertexte, PAO.
Cependant lidentité du projet est questionnée
Dans les tâches quil demande et les compétences quil exige :
Une somme de travail importante. Un travail régulier et structuré dans la continuité.
Un travail mené à son terme. Là où des compétences techniques se mettent en uvre.
Un travail de créativité, original. Un centre dintérêt et un investissement personnel. Le projet est ouvert et laisse beaucoup de liberté.
Dans ce quil nest pas :
Non finalisé - Un sujet trop ambitieux - Des pages repiquées ailleurs et assemblées (sans imagination)
Par les produits finalisés sont associés au projet :
Des exemples sont validés : Des pages HTML sur un établissement - Une borne multimédia - Une présentation en préAO (sans programmation) - un projet riche, mais qui na pas abouti - Un cahier des charges (sans sa réalisation) - Lenrichissement du site Web de lAcadémie.
Des contre-exemples sont précisés : Un exposé papier sur un sujet technique - Un produit sans aucune finalité
Dans les solutions pédagogiques qui sont suggérées :
La conduite fait appel à des : suivis détapes. - carnets de bord. - revues de projet. - cahiers des charges. Une démarche de projet est à élaborer. Cest une activité collective ou individuelle. "ça fonctionne mieux quand cest le résultat dun travail déquipe, quand on sait qui fait quoi."
Par les obstacles qui sont identifiés :
Il est parfois difficile de faire un travail suivi à cause de labsentéisme. Le dédoublement en groupes a seulement 1 heure/quinzaine... Cest difficile à gérer et peu efficace. Fait-on un projet pour " se faire plaisir ", faut-il juger sur lutilité de la réalisation ? On favorise le travail de groupe, mais cela complique la mise en uvre des projets et il nest pas toujours facile de juger des compétences et des apports spécifiques de chaque élève, comme le demande le BO. Ce nest pas parce que des élèves travaillent ensemble, quils auront la même note finale !
Au-delà de la didactique prescrite ces représentations sont le fait conjugué de plusieurs histoires singulières. Celle de la genèse de loption informatique, celle du corps social particulier des enseignants qui la pratiquent et la soutiennent. Celle de linformatique comme techno-science qui est à la fois élaborée à partir de technicités informatiques provenant de génies techniques (maîtrise doutils et dengins pour des tâches spécifiques) et de connaissances scientifiques provenant de disciplines constituées comme les mathématiques ou la physique.
À la lumière de ces représentations, nous pouvons augurer que les situations de projet ne sont pas totalement à labri de confusions, de glissements, voire de dérives dans des cas extrêmes.
Construire une ingénierie didactique des situations de projet exige un raisonnement en amont des pratiques de classe qui passe par deux étapes. Une première étape consiste à identifier, dans les désirs locaux de projet, les confusions et les réductions potentielles, car elles sont cachées. Une deuxième étape devrait sattacher à élaborer des outils capables déviter ces confusions. Elle ne peut sétablir quà partir dune connaissance plus précise de la double identité du projet : un projet est porteur dune volonté de technique, reflet dune pulsion émanant dune culture commune informatique, mais celui-ci est également guidé par le désir introduit dans limplication de la personne qui le met en actes.
UN CADRE THÉORIQUE POUR DÉCRIRE ET RELIRE LES PROJETS FINALISÉS DE L'OPTION
INFORMATIQUE
Loutil danalyse validé par les travaux
antérieurs sur les figures de projet en technologie, (voir schéma ci-dessous), permet de
rendre compte de la diversité des démarches poursuivies, des contextes qui les encadrent
et des points de vue considérés par les acteurs.
Ce schéma joue le rôle dun filtre qui ne sintéresse pas exclusivement à ce qui relève du domaine technique. |
La notion de démarche de projet
Conduire un projet suppose un processus, un déroulement, une démarche. Nous caractérisons le développement dun projet technique selon trois moments.
- Lintention donne la direction au projet, sa visée. Ce moment est propice à la conception de "lobjet" à finaliser.
- Lexécution transpose en actes les choix émanant de lintention, elle est le terrain de laction technique finalisée. Cest là quon réalise luvre ou le produit visé.
- Mais ces deux moments sinterrogent en permanence. La décision, comme troisième moment, constitue une interface entre les deux premiers. Elle est le lieu de la négociation et de la discussion nécessaires à tout projet.
Nous parlerons de conduite du projet lorsque le traitement de ces moments est organisé et lorsquils sont mis en relation dans une structure.
Suivant la référence choisie (une de société de service informatique, ses acteurs, ses produits,...), la structure de la démarche peut prendre plusieurs formes : linéaire, itérative, arborescente voire algorithmique. Il nexiste donc pas une seule démarche, mais un ensemble de démarches qui structurent et organisent les tâches à finalité technique suivant le contexte de chaque projet.
Linfluence du contexte et des points de vue choisis
Le contexte du projet
Un projet sinscrit toujours dans une situation particulière. Le contexte comme décor exerce des tensions sur la conduite du projet. Les éléments qui le caractérisent se lisent suivant deux axes de contraintes : lun est le reflet dun système technique qui imprime des obligations et dans lequel le projet sinscrit ; tandis que lautre représente le système humain lié au projet et renvoie au degré dimplication de ses membres. Tous les éléments de lenvironnement du projet présentent ce double visage.
Quatre caractéristiques traduisent le contexte des projets.
- Le sens donné au projet (Pourquoi ?) est défini par le pôle de la nécessité, du pragmatisme et du réalisme propre à toute culture technique mais également par le pôle du désir identitaire lui-même inscrit dans la volonté humaine.
- Les valeurs (Pour qui ?) se caractérisent dans deux directions économiques ou humaines. Les premières seront des valeurs de progrès, defficience, de commodité, déconomie de moyens. Les autres seront des valeurs de réussite, de dépassement, de curiosité, mais aussi des valeurs symboliques, sociales et esthétiques dun monde technique humanisé qui ne répond pas uniquement à une nécessité brute.
- Le temps ponctue et organise le projet (Quand ?). Il intervient dans la double attraction de la planification (découpage) et de la durée (écoulement).
- Les conditions rendent le projet faisable (Comment ?). Elles sont ponctuées par les obstacles à franchir et les problèmes techniques à résoudre mais aussi par les opportunités à saisir qui jalonnent tout projet dont lélaboration dans des médiations et des détours est trop souvent cachée.
En résumé sur ce point, nous proposons dassumer sciemment cette double identité des contraintes. Dans ce cas, les tensions fournies à la démarche du projet ne seront plus réductrices, elles en accéléreront le développement.
Les points de vue des acteurs
Un projet est également le fait dacteurs dont les points de vue seront autant dappropriation ou de simples regards sur la démarche en cours. Dans un regard interne, la place des parties prenantes (linstitution ses collectifs et chacun des acteurs du projet) rend compte des rôles sociaux réellement activés au cours du projet.
Dans un regard externe, le citoyen ou lusager sont susceptibles de "reconfigurer" les démarches (on se demandera, par exemple si la participation aux décisions est sollicitée chez lusager ou si elle est occultée ?).
Dune façon globale, nous avons constaté que la détermination de points de vue diversifiés permet de clarifier les écarts entre les démarches prescrites, cachées et réelles.
Utiliser la notion de figure dans ses pratiques denseignement
La figure dune démarche de projet, (voir schéma ci-contre) est une représentation des préférences dune population dacteurs dont les traits caractéristiques se regroupent en une constellation. Cette figure singulière peut être dessinée à partir de données recueillies et analysées auprès de cette population particulière. Elle visualise ainsi lallure spécifique que prend une démarche de projet dans un certain contexte et à un moment donné. En analysant le contenu de textes, de discours, de dossiers ou de pratiques, il est possible délaborer les figures des démarches de projet dans différentes situations. |
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À titre dexemple, nous considérons la figure représentant le projet technique prescrit dans le programme de technologie pour la classe de troisième (B. O. n° 9 du 26 février 1998) comme une des figures présupposée vécue par les élèves devant arriver au lycée. Dans cette figure, le contexte est relativement équilibré, mais il reste encore très attiré par la volonté de technique. Le point de vue choisi est porteur dun regard unique, il ne conduit pas à une vision critique. Il en résulte une démarche de projet où la décision est assez effacée.
Figure de la démarche prescrite (classe de troisième) |
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Lémergence de différentes figures du projet interroge autant lenseignant que le lycéen. Ce questionnement peut être guidé par le schéma théorique du projet technique comme suit Dans un groupe de projet, un questionnement précis (voir ci-contre) peut être conduit à partir de chacun des éléments du schéma général. Il constitue une liste dinterrogations à adapter aux situations particulières que chaque lycéen pourrait progressivement appréhender dans un processus progressif de prise de conscience de ses activités.
Cadre de questionnement du Lycéen |
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Il reste à lenseignant de mesurer la réalité des pratiques de loption. Quels ont été les contextes où ces différentes figures prennent du sens ? Dans quelle mesure, la mise en uvre de ces projets sest-elle assujettie à une pratique scolaire utilitaire ou bien a t-elle recherché une authenticité minimale liée à des pratiques socio-techniques prises en référence ? Quelles places respectives a-t-on attribué à limplication humaine et aux contraintes techniques ? Quels rôles sociaux ont été favorisés et sous quels points de vue ?
Cadre de questionnement de lenseignant |
Ainsi pour les enseignants et pour les lycéens, pragmatisme et humanités seront mis en harmonie dans des cadres de travail échafaudés pour évacuer les confusions, accepter lidée dun double visage du projet et en maîtriser la pratique.
Quelques éléments bibliographiques
INRP - 12/09/2000