Daniel BEAUFILS
© INRP - TECNE
Dernière mise à jour 11/05/1998

Notes : En cliquant sur    vous pourrez écouter les sons correspondants ; de plus, certaines images sont réactives et peuvent alors être agrandies en cliquant dessus.


Le domaine de l'acoustique musicale est complexe puisqu'il associe des composantes physique, technique, physiologique et culturelle.

Pour ce qui concerne les notions d'intensité, hauteur et timbre, les définitions "simples" données dans les manuels scolaires de physique risquent fort de générer des conceptions erronées. Car, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces trois composantes ne sont pas indépendantes !



  HAUTEUR ET FRÉQUENCE

Peut-on dire que :

Bien que non inexacts, ces énoncés sont discutables :

Voir hauteur, consonance, etc. dans Acoustique musicale du Lexique.


sirene.wav (54 Ko)    


  INTENSITÉ ET HAUTEUR

Quel est le sens du mot hauteur dans la vie courante ?

Ne s'agit-il pas justement d'une question d'intensité ? Ne dit-on pas :

  • "Parle plus haut, s'il te plaît ! "
  • "Ce message sera diffusé par haut-parleur..."


nase.wav (12 Ko)   

Après avoir levé l'ambiguïté du langage courant, peut-on dire que :

La réponse, du point de vue de l'acoustique physiologique est négative !

Les élèves connaissent bien les "boostbass" et "loudness" ou autres filtres physiologiques disponibles sur les baladeurs, les chaînes "hi-fi" qui, jouant sur la courbe de reproduction en fréquence, modifient le niveau de perception.

Car pour un signal d'une amplitude donnée, la perception du niveau d'intensité diffère beaucoup avec la fréquence : un son de 60 dB pourra être perçu comme de 10 dB ou 60 dB suivant que sa fréquence est voisine de 40 Hz (ou 15000 Hz) ou comprise entre 1000 et 2000 Hz !


Les courbes de Fletcher en sont l'illustration : tracer une droite horizontale, et lire la valeur de la perception suivant la fréquence...

La mesure de la perception de niveau acoustique a nécessité l'élaboration d'une nouvelle unité : le sone et la définition de nouvelles mesures de décibels incluant des corrections : dBA, par exemple.

Saviez-vous que le niveau acoustique est réglementé à la télévision ? Si les publicités nous paraissent plus sonores, c'est qu'elles "jouent sur le spectre utile" : l'énergie est concentrée dans une bande de fréquences qui correspond à une bonne sensibilité de l'oreille... Les normes en décibels sont respectées...

Voir Fletcher, sone, dB, dBA, etc., dans Notions fondamentales du Lexique.


  LE TIMBRE ET... LA DURÉE

Peut-on dire que "les sons complexes de fréquence f de même hauteur mais de timbres différents résultent de la superposition d'harmoniques de la fréquence f" ou que "le timbre d'un son est lié au nombre et à l'intensité des harmoniques qui le constituent" ? Peut-on représenter le timbre par un spectre 2D ?

Ces énoncés, pris à la lettre, ne sont pas faux, mais en conclure qu'il y a correspondance biunivoque entre le timbre et le rapport des amplitudes des harmoniques serait une erreur.

En premier lieu, le timbre est une notion associée à un instrument et dépend donc d'un facteur essentiel : l'évolution du spectre dans le temps, en particulier la présence d'une attaque. On sait bien qu'une note jouée au piano, mais rejouée à l'envers (reverse) donne l'impression d'un accordéon ! (voir Modification de timbre dans Études sonores).

L'étude du timbre ne peut se faire qu'avec un analyseur permettant de suivre l'évolution spectrale au cours du temps : sonagramme ou représentation type "vocodeur".

Pour associer la répartition spectrale à une notion perceptive, c'est à la notion de couleur d'un son qu'il conviendrait de faire référence. Et pour autant, cela ne dispense pas de tenir compte d'un paramètre essentiel en acoustique musicale : la durée. La perception d'une hauteur et d'une couleur n'est évidemment pas indépendante de la durée du son correspondant !

Voir dans la rubrique Lexique, timbre dans Acoustique musicale et ADSR dans Électronique et informatique musicale.


  À PROPOS DE LA VOIX

Peut-on dire que "en faisant la somme d'un grand nombre de sons purs on peut reconstituer le timbre d'un instrument de musique ou même une voix humaine" ou montrer le spectre 2D d'une voyelle chantée ?

Compte tenu de ce qui vient d'être expliqué, la réponse est évidemment négative !

En l'absence d'une évolution temporelle, ne serait-ce qu'une modulation globale de l'amplitude (ADSR), une telle synthèse ne donne rien d'un instrument, ni même de musical (voir Synthèse additive en seconde). Par ailleurs, la synthèse de la voix humaine pose bien d'autres problèmes...


La formation de la voix repose sur la notion de formants qui introduisent une corrélation entre l'amplitude des harmoniques et leur ajustement en fréquence.

(Voir J. Pierce).


Formants de la voyelle "i".

La réalisation d'une voyelle ne repose donc pas sur un processus additif mais au contraire une synthèse soustractive.


  EN CONCLUSION : VIGILANCE DIDACTIQUE

La simplification des contextes et des phrases donne des énoncés qui, suivant les cas, sont en partie erronés ou contiennent un implicite qui peut laisser s'installer des idées fausses.

Non seulement l'enseignement de la physique ne doit pas à notre avis donner cette illusion d'un savoir simple mais il conviendrait de ne pas laisser croire que l'acoustique musicale (ni même le domaine plus large de l'acoustique physiologique) est dominée par la physique grâce à un jeu d'additions de sinusoïdes.

Par ailleurs, certaines notions sont implicitement considérées comme connues des élèves. En particulier celles de hauteur et d'intensité qui interviennent régulièrement. Pourtant la référence à la notion de hauteur est discutable si l'on ne fait pas l'hypothèse d'une capacité musicale minimale. Peut-on sinon proposer des activités où, à propos de "deux instruments qui jouent la même note, on prend conscience qu'il s'agit de la même hauteur mais que l'impression n'est pas la même, que le timbre est différent", où encore "on demande à des élèves de jouer un la3 sur un instrument et de le comparer au son émis par un diapason et produit par un GBF en sortie sur un haut-parleur, de sorte que l'oreille attribue la même hauteur à chacun des trois sons perçus" ?

Ces questions sont à l'origine d'un test de perception passé à des élèves de Seconde et Troisième (voir Un peu d'acoustique (test élève)).


  RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES