Relations de parenté entre les êtres vivants
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Mise à jour : 26/07/2007  

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Construction d'une classification phylogénétique
Construction d'une classification phylogénétique

Guillaume Lecointre, MNHN

La reconstruction des liens de parenté ne résulte pas une découverte fortuite ou révélée mais résulte de décisions préalables réfléchies, qui sont autant de postulats : 

  • Une question posée au départ. Etape de définition du problème phylogénétique, c'est-à-dire délimitation du groupe d'intérêt ("ingroup"). 
  • Le choix d’un échantillon d’organismes propres à répondre à cette question : c’est l’échantillonnage taxonomique. Cette étape consiste aussi à choisir un ou plusieurs points de référence externes, le(s) extra-groupe(s). Ces organismes sont postulés extérieurs au groupe d’intérêt, c’est-à-dire extérieur à tous ceux dont on veut définir les relations de parenté. Les extra-groupes serviront à enraciner le(s) futur(s) arbre(s). 
  • Le choix et/ou la détection des caractères qui seront informatifs pour la question posée : c’est l’échantillonnage des caractères. 
  • Le codage et la construction de la matrice des caractères. Nous nous intéresserons à une matrice de caractères morphologiques codée en vue d’une analyse cladistique. Il faut savoir qu’il existe d’autres types de matrices, les matrices de distances, que nous laisserons de côté pour le moment. Ce codage comprend l’étape d’établissement des homologies primaires (principe des connexions, alignement des séquences) et l’étape de polarisation des caractères (critère du groupe extérieur ou critère ontogénétique) ; puis l’inscription du fruit de cette analyse dans une matrice de catactère. 
  • L’exploration des arbres possibles. A un nombre fixé de taxons dans la matrice correspond un nombre précis d’arbres possibles. Pour quatre taxons dont un est préalablement défini comme extra-groupe, il existe trois arbres racinés possibles. Pour cinq taxons, il existe 15 arbres racinés possibles, etc. L’idéal est de les évaluer tous au regard des informations contenues dans la matrice. 
  • L’évaluation de chacun de ces arbres au regard de la matrice. 
  • Le choix d’un critère de choix d’un arbre : ce critère est la parcimonie. On choisit l’arbre le plus parcimonieux, c’est-à-dire l’arbre qui requiert le plus petit nombre d’événements évolutifs entre les états de caractères présentés par les organismes. Mais il faut savoir qu’il existe d’autres critères de choix d’un arbre. Par exemple, sur la base d’une approche probabiliste parfois appliquée aux données de séquences nucléiques ou protéiques, approche où l’on peut associer à certaines transformations d’un acide nucléique en un autre une certaine probabilité, on choisira l’arbre le plus vraisemblable : c’est l’arbre dont la vraisemblance (produit des probabilités) est maximale. A partir d’une approche de distances, on choisira l’arbre dont les distances arborées entre organismes sont les plus fidèles possible aux distances de la matrice de départ ; dans ce cas c’est choisir l’arbre dont la matrice d’arrivée distord le moins possible la matrice de départ.
  • Le choix d’un arbre, ce sera l’arbre le plus "court", c’est-à-dire qui demande le minimum d’hypothèses de transformation des caractères. Cet arbre permet : 
    1. l’identification des états des caractères qui définissent chacun des nœuds (= clades) de l'arbre obtenu (les synapomorphies = homologie de filiation ou homologie secondaire). 
    2. l’identification des états homoplasiques, et éventuellement établissement de conclusions sur le mode d'évolution des caractères. 
    3. la création une classification phylogénétique, c'est-à-dire l’assignation d'un nom de groupe à chaque nœud (= clade) fiable de l'arbre. 
Application : Mise en pratique de la notion de parcimonie
  • Une question posée au départ : Quel est le groupe-frère des oiseaux ?

  • Une polémique a eu lieu au début des années 1980 ; elle consistait à tester si les oiseaux étaient groupe-frère des mammifères (comme semblaient l’indiquer les caractères de l’anatomie molle) ou le groupe-frère des crocodiles (comme semblaient l’indiquer les caractères de l’anatomie du squelette lorsque les fossiles étaient analysés simultanément).
  • Un échantillon d’organismes propres à répondre à cette question : si l’on décide d’échantillonner le moins d’organismes possible pour des raisons didactiques, la question du groupe-frère des oiseaux peut être explorée en choisissant trois amniotes : un coq, un alligator et un chien. Extra-groupe : un non-amniote, par exemple une grenouille.
  • Echantillonnage des caractères. Il s’agit d’observer des attributs de ces organismes qui permettent de différencier deux d’entre les trois. 
    1. Homéothermie : présente chez le coq et le chien, mais pas chez l’alligator ; 
    2. Mandibule perforée : présente chez le coq et le crocodile, mais pas chez le chien 
    3. Gésier : présent chez le coq et le crocodile, mais pas chez le chien. 
    4. Plume : cet attribut n’est pas partagé par deux entre les trois puisqu’il est unique au coq dans cet échantillon. 
    Remarque : il pourrait y en avoir beaucoup plus, la liste est limitée ici pour des raisons didactiques. 
  • Le codage et la construction de la matrice des caractères . Nous nous intéresserons à une matrice de caractères morphologiques codée en vue d’une analyse cladistique. L’état trouvé chez l’extra-groupe, ici la grenouille, est codé "0" par convention. L’état qui en diffère est codé "1". L’analyse cladistique consiste à ne regrouper les organismes que sur la base d’innovations, c’est-à-dire sur le partage d’états qui sont différents de celui trouvé chez l’extra-groupe. Ainsi le caractère 1 est à l’état "0" chez la grenouille (poïkilothermie) et à l’état "0" chez l’alligator (poïkilothermie également). Il est à l’état "1" chez le coq et le chien (homéothermie). Le caractère 1 plaidera pour un regroupement chien-alligator. Selon la même règle, le caractère 2 plaidera pour un regroupement coq-alligator (absence de perforation de la mandibule chez la grenouille et le chien (état 0), présence de perforation chez le coq et l’alligator (état 1). Il en va de même pour le caractère 3. Quant au caractère 4, on constate l’absence de plumes chez la grenouille (état "0"), l’absence de plumes aussi chez l’alligator (état "0") et chez le chien (état "0"). Or, on ne peut regrouper le chien et l’alligator sur la base du "0" partagé puisque cet état est déjà constaté dans l’extra-groupe (c’est donc qu’il ne signe pas un apparentement dans le groupe d’étude mais un apparentement beaucoup plus ancien qui n’intéresse pas laquestion posée au sein du groupe d’étude). Ce caractère ne fait donc que regrouper le coq avec lui-même. Il n’est donc pas informatif au regard de la question posée.

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    Remarque : lorsque l’on code "1", par exemple pour le caractère 3, on émet une hypothèse d’homologie (voir plus loin) : on suppose que le gésier du crocodile est l’homologue du gésier du coq. 

  • L’exploration des arbres possibles. Pour quatre taxons dont un est préalablement défini comme extra-groupe (la grenouille), il existe trois arbres racinés possibles : 
  • celui qui regroupe le coq et l’alligator
    celui qui regroupe le coq et le chien
    celui qui regroupe le chien et l’alligator.
  • L’évaluation de chacun de ces arbres au regard de la matrice. Pour chaque caractère, on tentera ici de placer dans chaque arbre le point où la transformation a lieu (de 0 vers 1 ou de 1 vers 0), de manière à produire le moins de transformations possibles. On remarquera que chacun des trois arbres ne demande pas le même nombre de pas que les deux autres. L’arbre 1 requiert 5 transformations. L’arbre 2 en requiert 6. L’arbre 3 requiert 7 transformations. Remarque : lorsque l’arbre oblige à placer deux transformations pour un caractère, on a le choix entre deux transformations terminales, c’est-à-dire en bout de branche, ou une transformation précoce suivie d’une réversion. Le premier cas est celui de la convergence évolutive, le deuxième cas est celui de la réversion. Les deux hypothèses "coûtent" le même nombre de transformations, elles n’influent donc pas sur le choix ultérieur de l’arbre. Ces situations sont des cas d’homoplasie. 
  • Le choix d’un critère de choix d’un arbre : ce critère est la parcimonie, on choisit l’arbre qui requiert le plus petit nombre d’événements évolutifs entre les états de caractères présentés par les organismes.
  • Le choix d’un arbre : l’arbre choisi est donc l’arbre 1. L’oiseau est plus proche de l’alligator qu’il ne l’est du chien.

  • Remarque : c’est l’arbre le plus parcimonieux qui permet de connaître l’évolution des caractères. Ici, l’arbre 1 nous dit que nous avions eu raison de supposer que le gésier de l’oiseau était l’homologue du gésier de l’alligator. Ce pari sur l’homologie est gagné : l’arbre nous dit que l’organe a bien été acquis d’un ancêtre commun hypothétique (c’est l’homologie de filiation ou homologie seccondaire). En revanche, l’arbre 1 nous dit aussi que nous avions eu tort de parier que l’homéothermie de l’oiseau et celle du chien étaient homologues. Elles ne le sont pas, puisqu’elles ont été acquises deux fois indépendemment (convergence). Si, au lieu de supposer une convergence, nous avions opté pour l’hypothèse de la réversion, c’est-à-dire une perte secondaire de l’homéothermie chez l’alligator, cette homéothermie eût bien été acquise d’un ancêtre commun, mais cet ancêtre hypothétique est commun à plus d’organismes qu’aux chien et oiseau (en fait aux trois organismes ici présents), et donc reflète une parenté plus ancienne qui ne répond plus à la question posée. 
     
  • On pourra refaire le même exercice avec pour question : les chauve-souris sont elles des oiseaux ou des mammifères volants ? espèces choisies : un homme un pigeon une chauve-souris extra-groupe : une grenouille. 
    1. caractère 1 : ailes 
    2. caractère 2 : poils 
    3. caractère 3 : mammelles 

    Institut national de recherche pédagogique