Relations de parenté entre les êtres vivants
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Mise à jour : 26/07/2007  

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Qu'est-ce qu'un intermédiaire ? 
La notion d'homologie 
La notion de fossile vivant est-elle valable ? 
Qu'est-ce qu'un ancêtre ? 
Qu'est-ce qu'un arbre phylogénétique ? 
Construction d'une classification phylogénétique
Qu'est-ce qu'un ancêtre ? 

Guillaume Lecointre, MNHN

La généalogie montre qui descend de qui. La phylogénie montre qui est plus proche de qui. Les ancêtres n'y sont pas identifiés, mais reconstitués par morceaux, tel un puzzle incomplet. 

Dans la généalogie de votre famille, les ancêtres sont identifiés grâce aux registres de l'état civil des mairies. On sait qui a donné naissance à qui. Les liens dans un arbre généalogique symbolisent des relations génétiques d'ancêtre à descendants. 

La descendance généalogique des organismes avec leur modification est le processus qui donne tout leur sens aux phylogénies. Or, les organismes vivants n'ont pas laissé de registres d'état civil. On a perdu toute trace des ancêtres exacts. Lorsqu'un fossile est découvert, il est impossible de savoir de qui il est l'ancêtre, au sens génétique. Il faut alors travailler avec ce fossile comme on travaille avec les espèces actuelles. En analyse phylogénétique, les fossiles ne sont pas plus des "ancêtres" que ne le sont les espèces actuelles. 

La phylogénie permet de reconstituer les liens de parenté des organismes actuels et fossiles en les comparant les uns avec les autres. Cette comparaison permet de déduire une partie de ces ancêtres, qui restent à l'état d'hypothèses. Cette comparaison ne permet pas de reconstituer des généalogies (des arbres qui nous disent "qui descend de qui") mais des phylogénies, qui nous disent "qui est plus proche de qui". 

Le coelacanthe tel qu'on le connaît aujourd'hui n'est pas notre ancêtre. Par contre, l'humérus n'est présent que chez le coelacanthe, les Dipneustes et les Tétrapodes. Il devait être présent chez le dernier ancêtre commun à ces trois groupes. Nous avons donc là une image partielle de cet ancêtre : il possédait des nageoires paires charnues dotées d'un humérus ! 

Complément d'information : le statut de la relation ancêtre-descendants dans la systématique contemporaine 

Hennig fournit les outils méthodologiques permettant de ne constituer que des groupes monophylétiques, c'est-à-dire contenant un ancêtre (hypothétique) et la totalité de ses descendants. Mais l'on oublie souvent de dire que cet ancêtre est toujours inféré, et non pas identifié. On ne connaît de lui que les innovations qu'il présentait à son époque, les synapomorphies, et qu'il a légué aux descendants que nous étudions. Ce n’est qu’à travers elles qu’il est connu. L'ancêtre de tous les Tétrapodes nous a légué ses quatre pattes (et quelques autres caractères encore). L'ancêtre hennigien n'est jamais qu'un puzzle incomplet. Dans une excellente analyse que font Engelmann et Wiley (1977) du statut de la relation ancêtre-descendant dans le cadre de la méthode cladistique, cette nécessité méthodologique est clairement exposée, et mérite qu'une longue partie de la conclusion de ces auteurs soit citée : "We have examined concepts of ancestor-descendant relationships to determine what part, if any, they should play in phylogeny reconstruction. We conclude that neither morphological nor stratigraphic criteria are sufficient to corroborate or refute such hypothesis unless the cladistic relationships are rendered untestable. We certainly do not intend to deny the existence of ancestors, they are implicit in the model of phylogeny which is generally acceptable to the majority of biologists, ourselves included. It should be recognized, however, those specific hypotheses of ancestor-descendant relationships between fossil organisms are not objectively testable within the same system in which cladistic relationships are testable. We suggest that for the purpose of assessing phylogenetic relationships, a statement of ancestor-descendant relationships is, at best, superfluous. Such a statement may weaken a phylogenetic hypothesis by introducing concealed errors which are not easily recognized as such". 

Une généalogie est une figure arborescente dans laquelle les lignes représentent des relations génétiques d'ancêtres à descendants. Nous sommes capables de retrouver le lien génétique des membres de notre famille parce que les registres d'état civil ont enregistré les liens de filiation à l'échelle des individus à l'échelle des individus. Si l'on transpose cette situation à la nature actuelle, tout se passe comme si nous ne disposions que des représentants de la dernière génération, mais cette fois-ci sans registre d'état civil. Le témoignage des liens génétiques précis entre individus, génération après génération, est définitivement perdu. Dès lors, il n'est plus possible de poser la même question. On ne peut plus se demander "qui descend de qui ?" mais "qui est plus proche de qui ?". Là est toute la différence : en passant d'une question à l'autre, on quitte le champ strictement généalogique pour entrer dans celui de l'inférence, celui de la déduction, celui de la phylogénie. Et, selon les règles de la cladistique, ce sont les structures exclusivement partagées par certains organismes, les innovations de leur dernier ancêtre commun, qui attestent leur proche parenté. Cette distinction ne rejette pas l'idée de généalogie. Il y a bien eu une généalogie du vivant, des relations génétiques entre les générations, réalisant la "descendance avec modification". Mais ces liens ne sont plus directement accessibles à l'échelle de l'individu. Cela a une conséquence méthodologique sur les "intermédiaires" que cherchent les détracteurs de la théorie de l'évolution et qu'ils prétendent ne pas trouver (car pour eux, les intermédiaires sont des ancêtres). Les intermédiaire-ancêtres, c'est-à-dire au sens généalogique, resteront à jamais introuvables. Ou, plus exactement, il restent indémontrables : tous les organismes actuels et fossiles sont nécessairement des intermédiaires, puisqu'il y a eu généalogie, mais on n'a aucun moyen de savoir entre quoi et quoi ils le sont. Ces intermédiaires-ancêtres s'opposent aux intermédiaires structuraux (voir plus haut). 

Même pour les tenants de la systématique éclectique qui mélangeait la question "qui descend de qui ?" et "qui est plus proche de qui ?", la notion d'intermédiaire ne peut être complètement dissociée de celle d'ancêtre ou de "taxon ancestral" ou "groupe souche". L'Archaeopteryx passe pour un intermédiaire entre la classe des reptiles et celle des oiseaux. Cette affirmation est doublement frappée d'inanité. Premièrement, nous n'avons aucun moyen de savoir si l'individu fossilisé à tel endroit est bien l'ancêtre génétique ultime de tous les oiseaux. Les ancêtres au sens génétique du terme sont inconnaissables. Sur ce point, loin de moi le projet de faire passer les tenants de la systématique éclectique pour des naïfs. Ils savaient bien qu'un fossile donné n'était pas ancêtre à titre individuel et au sens génétique du terme. L'expression était plutôt une métaphore pour signifier que l'image qu'il convenait de garder de cet ancêtre hypothétique devait être proche de celle du fossile considéré. Mais cette métaphore était utilisée au prix de graves confusions méthodologiques ultérieures. Ma critique se veut plus sévère à propos le second point : l'une des deux classes entre lesquelles l'archaeopteryx est coincé n'a pas d'unité historique : la classe des reptiles est paraphylétique. Les reptiles ne sont en effet pas définis pour eux-mêmes, mais créés pour souligner leur tendance vers les oiseaux (ou les mammifères). Ils sont définis sur la base de caractères qu'ils n'ont pas, et que les oiseaux ont. La notion même d'intermédiaire n'est pas viable et rejetée par les cladistes puisqu'elle implique la paraphylie du groupe que l'intermédiaire est supposer relier à un autre. L'archéoptéryx n'a donc pas de statut spécial, il sera analysé comme le sont tous les organismes actuels, avec les mêmes méthodes. Ainsi, l'Archaeopteryx, au lieu d'être considéré comme intrinsèquement "intermédiaire", sera branché à un point particulier du cladogramme des Archosaures, entre la branche dromaeosaurienne des dinosaures théropodes et la branche regroupant tout le reste des Oiseaux ; comme tout taxon est toujours branché entre deux autres branches. Les fossiles, qu'ils soient vus par certains comme intermédiaires ou non, ne sont pas plus les preuves de l'évolution que ne le sont les organismes actuels.


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