Synthèses théoriques
Politiques nationales
Etudes de cas
Nova     Publications

 

NOUVEAUX SAVOIRS

INNOVA

petit.gif (19992 octets)

 

ESPACE DE
CULTURE
EUROPEENNE

Actualité
Liste de diffusion
Textes en débat

RECHERCHER

OBSERVATOIRE

 

Acteurs
Missions
Mode d'emploi

grd_lef.gif (138 octets)grad_rig.gif (133 octets)

Une pédagogie coopérative et interactive
pour la réussite de tous les élèves
L'expérience menée à l'école ouverte des Bourseaux
Étude de cas

grd_lef.gif (138 octets)grad_rig.gif (133 octets)

Texte de Interne_Siteb.gif (299 octets) Mariane Hardy et Christiane Royon, chercheurs au CRESAS/INRP ( Centre de Recherche sur l'Education Spécialisée et l'Adapation Scolaire de l'Institut National de Recherche Pédagogique). Pays : Interne_Siteb.gif (299 octets) France.
Thème : Interne_Siteb.gif (299 octets) Égalité des chances. Interne_Siteb.gif (299 octets) Résumé
Descripteurs : Interne_Siteb.gif (299 octets)
Etoilej.gif (116 octets) Introduction Etoilej.gif (116 octets) 1. Une école en recherche
Etoilej.gif (116 octets)
1.1. Les valeurs coopératives
Etoilej.gif (116 octets) 1.2. L'organisation en cycles
2. Descriptif de l'innovation
Etoilej.gif (116 octets) 2.1. Objectif
Etoilej.gif (116 octets) 2.2. Localisation et échelle
Etoilej.gif (116 octets) 2.3. Les acteurs
Etoilej.gif (116 octets) 2.4. Public cible
Etoilej.gif (116 octets) 2.5. Moyens et sources de financement
Etoilej.gif (116 octets) 2.6. Age de l'innovation
 Etoilej.gif (116 octets) 3. Déroulement de l'innovation
Etoilej.gif (116 octets) 3.1. Prise de contact
Etoilej.gif (116 octets) 3.2. Décision d'engager une collaboration
de longue durée

Etoilej.gif (116 octets) 3.3. Développement des actions de
recherche et de formation

Etoilej.gif (116 octets) 3.4. Mise en synergie de l'ensemble
des projets de l'école

Etoilej.gif (116 octets)
3.5. Organisation et gestion
Etoilej.gif (116 octets) 3.6. Stratégie de mise en oeuvre
4. Méthodologie de l'étude
Etoilej.gif (116 octets) 4.1. Position des auteurs de l'étude
dans l'innovation et méthode d'enquête

Etoilej.gif (116 octets) 4.2. Les données recueillies au cours
de notre recherche sont les suivantes
5. Analyse de l'innovation
Etoilej.gif (116 octets) 5.1. Analyse du processus
Etoilej.gif (116 octets) 5.2. Evaluation de l'innovation
Etoilej.gif (116 octets) Annexe 1 : Bibliographie
Etoilej.gif (116 octets) Annexe 2 : Récit du déroulement de l'innovation

grd_lef.gif (138 octets)                                                               grad_rig.gif (133 octets)

Etoilej.gif (116 octets) Introduction

Cette innovation concerne deux thèmes retenus par l'observatoire européen des innovations en éducation et en formation, le thème "égalité des chances et lutte contre l'exclusion" et le thème "formation d'équipes éducatives". Il s'agit en effet d'une recherche-action menée dans une école primaire à la population constrastée du point de vue socio-culturel, recherche qui est articulée à une formation-action en direction des écoles du département.

Le travail sur une école entière vise à explorer les possibles dans la voie que nous nous sommes tracée : une pédagogie coopérative et interactive qui permette à chacun de construire ses savoirs. Le choix de l'école des Bourseaux s'est imposé car l'organisation dont cette école s'est dotée, tant sur le plan administratif que pédagogique, et l'esprit de recherche qui caractérise l'équipe offrent des conditions initiales particulièrement favorables pour expérimenter de nouvelles formes d'action pour lutter contre l'échec scolaire. Un petit réseau d'écoles plus "classiques" fédérées autour de l'école des Bourseaux et une formation proposée au plan départemental de formation de l'éducation nationale permettent d'observer l'adaptabilité à d'autres structures de ces démarches innovantes. concernant la gestion de l'hétérogénéité et le rapport au savoir.

Etoilej.gif (116 octets) 1. Une école en recherche

Nous centrerons la description faite ici sur l'innovation menée à l'école des Bourseaux. innovation qui répond à deux préoccupations prioritaires :

blue.gif (125 octets) gérer l'hétérogénéité dans une école primaire (= école maternelle et élémentaire) organisée en cycles multiâges et multiniveaux afin de permettre à tous les enfants d'apprendre, sans laissés pour compte ni baisse de niveau ;

blue.gif (125 octets) engager l'ensemble d'une équipe pédagogique (enseignants, animateurs et personnels de service) dans la recherche d'actions éducatives mieux ajustées aux enfants et plus cohérentes avec les intentions et objectifs affichés.

Au niveau administratif, l'école offre des conditions favorables :

blue.gif (125 octets) soutien de la Mairie qui est à l'origine de la conception de cette école et lui accorde les moyens de fonctionner selon des principes définis ensemble et actualisés ;

blue.gif (125 octets) maternelle et élémentaire formant une seule école ce qui permet une grande souplesse d'organisation, facilite la cohérence des pratiques et favorise la continuité des apprentissages ;

blue.gif (125 octets) mode de recrutement spécifique : les enseignants qui postulent aux Bourseaux suivent un stage pour faire connaissance avec l'organisation de l'école et s'engagent à respecter la charte qui en régit le fonctionnement.

L'esprit de recherche de l'équipe se traduit par l'honnêteté et la curiosité intellectuelle, la capacité de mettre les pratiques pédagogiques en discussion et de procéder collectivement aux transformations qui s'imposent, la rigueur de la démarche de travail et l'habitude de s'ouvrir au regard extérieur.

Ces qualités sont mises au service d'options pédagogiques fortes :

blue.gif (125 octets) l'école se réclame de valeurs coopératives,
blue.gif (125 octets) elle fonctionne en cycles multiâge et multiniveau.

Etoilej.gif (116 octets) 1.1. Les valeurs coopératives

Les valeurs coopératives défendues par l'école sont des valeurs selon lesquelles les interactions et la collaboration entre personnes aux statuts, origines, connaissances, diversifiées sont à favoriser pour deux motifs : que chacun participe activement à la vie collective, de façon consciente et responsable, et que chacun profite de la richesse d'échanges intellectuels aussi variés que possibles, sources de connaissances. Ces valeurs se lisent dans les modes d'organisation concernant les adultes et les enfants et dans la pratique pédagogique.

Différentes instances servent cette philosophie, dont les principales sont :

ball_blu.gif (104 octets) l'Association de l'Ecole Ouverte des Bourseaux qui réunit des représentants de l'équipe pédagogiques (de toutes les catégories de personnels), des parents, des élèves et de la municipalité
ball_blu.gif (104 octets) la direction d'école assurée de façon collégiale (bien qu'une enseignante soit chargée de direction en titre),
ball_blu.gif (104 octets) la tenue des conseils de cycles et les conseils d'école de façon régulière,
ball_blu.gif (104 octets) les "conseils de coop' " qui ont lieu une fois par semaine dans chaque classe,
ball_blu.gif (104 octets) les "conseils de coop' " qui , à travers un système de délégués de classes, ont lieu au niveau de l'école et au niveau du Centre de Loisir ; ceux-ci se tiennent en fonction des besoins liés aux projets en cours et à la vie dans l'école.

Etoilej.gif (116 octets) 1.2. L'organisation en cycles

L'organisation en cycles multiâge et multiniveau* permet aux enfants de tirer profit d'une collectivité riche de sa diversité et d'un temps élargi qui permet à chacun de constater qu'apprendre est un processus lent et progressif.

Chaque cycle (C1, C2, C3) est composé de trois ou quatre classes parallèles regroupant chacune trois niveaux scolaires, ainsi les enfants restent-ils trois ans dans la même classe.

Le cycle 2 par exemple est composé de quatre classes dites "groupes-vie" qui accueillent chacune un tiers environ d'enfants de 5-6 ans (grande section), un tiers environ d'enfants de 6-7 ans (CP) et un tiers environ d'enfants de 7-8 ans (CE1). A la rentrée scolaire, chaque classe se renouvelle par tiers : les plus âgés (1/3) passent dans le cycle 3, tandis qu'un tiers arrive du cycle 1. Ces groupes-vie constituent les regroupements de base mais selon les projets, selon les activités, selon les moments les enfants peuvent être répartis différemment : par âges, par niveaux, par intérêt...

Pour gérer cette organisation complexe en cycles, les adultes ont des réunions fréquentes et régulières dans et hors du temps de travail. Les débats et décisions prises en réunions sont consignés par écrit. Ces écrits servent de mémoire et de référence à l'ensemble de l'équipe.

2. Descriptif de l'innovation

Etoilej.gif (116 octets) 2.1. Objectif

Actuellement, le travail est orienté sur la gestion de l'hétérogénéité entre élèves et porte dans un premier temps sur le thème suivant : activités d'expression et compréhension du fonctionnement de la langue orale et écrite.

L'objectif premier est d'inventer en équipe des pratiques pédagogiques sur ce thème qui soient réellement mises au service des démarches de construction des savoirs développées par les enfants, en apprenant à les identifier et à en analyser les effets.

L'objectif à moyen terme est une généralisation de la démarche à l'ensemble de la pratique pédagogique dans l'établissement, c'est-à-dire dans tous les domaines d'apprentissage ; c'est aussi la diffusion auprès d'autres équipes pédagogiques.

Etoilej.gif (116 octets) 2.2. Localisation et échelle

L'école ouverte des Bourseaux est située à Saint-Ouen-l'Aumône près de Pontoise, dans la région Ile-de-France (Val d'Oise). Elle a été ouverte dans les années 1970, à l'époque de la création d'écoles expérimentales, pilotes.

Elle compte onze classes.

Etoilej.gif (116 octets) 2.3. Les acteurs

L'équipe éducative est composée des personnels suivants :

ball_blu.gif (104 octets) 12 instituteurs dont un déchargé de classe pour animer les activités de la bibliothèque d'école, intervenir dans les projets, ou prendre des groupes en soutien ;
ball_blu.gif (104 octets) une institutrice de Classe d'Initiation (CLIN) qui intervient à mi-temps dans des actions en direction des enfants de familles non-francophones (essentiellement enfants maliens logés avec leurs familles dans un foyer de travailleurs immigrés) ;
ball_blu.gif (104 octets) sept personnels dépendant de la municipalité (3 dames de service et 4 animateurs) intervenant pour une partie de leur temps de travail dans les activités scolaires avec les enfants.

Etoilej.gif (116 octets) 2.4. Public cible

L'école compte environ 300 enfants.

Cette population est très hétérogène, voire contrastée. Du point de vue socio-culturel les familles se répartissent grosso modo de la façon suivante : une moitié de cadres moyens, cadres supérieurs ou employés de service, un quart d'ouvriers, un quart sans profession ou sans emploi.

Signalons dans cette population deux situations particulières :

ball_blu.gif (104 octets) celle des enfants de travailleurs maliens (environ 20 enfants chaque année) logés avec leur famille dans un foyer "SONACOTRA" excentré.

ball_blu.gif (104 octets) celle des enfants ayant connu des situations sociales ou familiales difficiles et placés temporairement, pour des durées variables, dans un foyer situé à proximité de l'école (environ 10 enfants chaque année).

Etoilej.gif (116 octets) 2.5. Moyens et sources de financement

La municipalité de Saint-Ouen-l'Aumône pour qui l'éducation est une priorité met à la disposition de l'école quatre animateurs pendant les heures scolaires.

Pour permettre un travail approfondi au sein de l'équipe, l'Inspection Académique a accordé des journées de stage et fourni des moyens de remplacement. La municipalité a permis à ses personnels de participer à certains de ces stages. En plus des journées de stage, des réunions régulières se tiennent pour partie sur le temps de travail, pour partie sur les temps de loisir.

Deux chercheurs du CRESAS accompagnent et encadrent cette innovation. En plus des stages, ils participent en moyenne à deux réunions de travail mensuelles et mènent également des observations dans les classes, observation généralement filmées en vidéo.

Depuis cette année scolaire (1996-97), dans le cadre de cette recherche, quelques vacations de l'INRP sont attribuées à l'école pour lui permettre de mener un travail approfondi d'analyse et d'écriture .

Etoilej.gif (116 octets) 2.6. Age de l'innovation

Cette collaboration en est à sa quatrième année. Elle a commencé à la fin de l'année scolaire 1993-1994.

Etoilej.gif (116 octets)  3. Déroulement de l'innovation

Le travail mené sur la gestion de l'hétérogénéité à partir des activités d'expression et compréhension du fonctionnement de la langue orale et écrite. est une phase dans un processus de coconstruction entre l'ensemble de l'équipe éducative et deux chercheurs. Cette construction (dont on peut trouver le récit en annexe) s'est développée à travers les étapes suivantes:

Etoilej.gif (116 octets) 3.1. Prise de contact

ball_blu.gif (104 octets) connaissance mutuelle à travers la mise en oeuvre d'une démarche d'auto-évaluation des pratiques pédagogiques dans un cadre théorique constructiviste et interactioniste.

Etoilej.gif (116 octets) 3.2. Décision d'engager une collaboration de longue durée

ball_blu.gif (104 octets) négociation pour définir un thème de recherche circonscrit dans une problématique générale : la gestions de l'hétérogénéité,

ball_blu.gif (104 octets) parallèlement, mise en oeuvre d'une action commune : une formation-action à la pédagogie coopérative et interactive pour des équipes extérieurs.

Etoilej.gif (116 octets) 3.3. Développement des actions de recherche et de formation

ball_blu.gif (104 octets) organisation de la recherche-action sur le thème "langage et grammaire" avec l'ensemble de l'école,
ball_blu.gif (104 octets) constitution d'un petit réseau de cinq écoles travaillant avec la même approche (AER) et sur la même problématique.

Ces deux structures de travail sont orientées sur la préparation de communication aux journées d'étude organisées par les CRESAS/INRP et Paris-Nord sur le thème : gestion de l'hétérogénéité.

Etoilej.gif (116 octets) 3.4. Mise en synergie de l'ensemble des projets de l'école

ball_blu.gif (104 octets) stage d'une semaine multicatégorielle (enseignants, animateurs, personnels de service) pour partager le cadre théorique et organiser les projets autour d'un fil directeur : la participation effective de tous les enfants et de tous les adultes à la vie de l'école et l'engagement de chacun dans les apprentissages.

Etoilej.gif (116 octets) 3.5. Organisation et gestion

L'approche adoptée dans cette recherche-action est l'auto-évaluation régulatrice qui consiste à améliorer les pratiques pédagogiques et à faire évoluer les situations d'apprentissage sur la base d'une observation régulière des enfants dans les situations proposées.

Cette approche nécessite plusieurs niveaux de recul sur les pratiques et donc une organisation qui les favorise : être à certains moments deux dans une même classe permet des échanges "à chaud" sur une situation que l'on a mise en place, les réunions de cycles consacrées à la recherche permettent une mise en commun plus large, la mise en perspective avec les autres cycles dans le cadre de réunions d'école permet de situer l'action d'un niveau scolaire dans un ensemble, enfin la confrontation avec d'autres équipes, dans le cadre d'un réseau, permet de mieux cerner les régularités, les principes fondamentaux, et les déclinaisons possibles selon les contextes des uns et des autres.

De l'avis de l'ensemble de l'équipe, dans une telle dynamique, l'accompagnement "semi-externe" est très important pour favoriser les échanges entre tous les partenaires et garder le cap. En effet, le fait de ne pas être impliqué dans une action particulière permet plus facilement de s'intéresser à la construction globale et à la participation de chacun, et le fait de ne pas être plongé dans la complexité du réel permet de ne pas se perdre dans les détails et de garder le cap sur les utopies que l'on cherche à réaliser...

Dans cette démarche, la pratique de la microanalyse de séquences filmées à la vidéo par les chercheurs a un poids très important.

Cette analyse consiste à faire apparaître aux yeux de tous la richesse qui se cache derrière des échanges à première vue souvent anodins, ou des réalisations banales que les adultes ont l'habitude de voir dans leurs classes et dans la vie de l'école sans y prêter attention. L'analyse des dynamiques interactives d'apprentissages faite avec les partenaires de terrain permet l'élaboration de nouveaux critères qui permettent à chacun d'identifier les processus d'apprentissage fondamentaux. On se forge par l'analyse approfondie menée en commun les mêmes références à partir d'un stock limité d'images fortes, de séquences parlantes, que tout le monde connaît bien et qui concrétisent pour tous des concepts essentiels. Ainsi, la séquence "du point", - c'est-à-dire à la séquence ou deux enfants discutent de la ponctuation - illustre à la fois l'intérêt du multiâge, la richesse des formulations propres des enfants, le rôle de l'adulte, la construction dans la communication ; la séquence tournée en cycle 1 à l'accueil sert de référence pour l'organisation en ateliers, la différenciation des rapports à l'école, le rôle de l'adulte pour gérer les conflits...

Ainsi, s'élabore une culture partagée qui permet de mettre les mêmes faits derrière les mêmes mots et donc de se comprendre vraiment.

Etoilej.gif (116 octets) 3.6. Stratégie de mise en oeuvre

Pour que cette innovation se développe dans de bonnes conditions, un certain nombre de paramètres ont dû être pris en compte :

ball_blu.gif (104 octets) L'innovation en matière d'éducation est une prise de risque considérable. C'est pourquoi, pour la mener dans de bonnes conditions, il a été nécessaire de s'assurer de l'appui des instances hiérarchiques.

ball_blu.gif (104 octets) La recherche-action s'inscrit dans une durée dont les échéances ne peuvent être prévues d'avance. Aussi avons-nous inscrit le travail engagé avec cette équipe dans le programme de recherche du CRESAS qu'à partir du moment où il avait des chances de prendre forme, c'est-à-dire après la troisième année de présence aux Bourseaux.

ball_blu.gif (104 octets) La méthode nécessite de se découper un objet d'étude circonscrit mais complexe pour l'analyser de façon rigoureuse, sans perdre de vue l'ensemble dans lequel s'inscrit ce morceau de réalité. Cela nécessite de travailler en permanence les liens entre la partie étudiée et le tout.

ball_blu.gif (104 octets) La démarche est une démarche de coconstruction. Elle nécessite de gérer à la fois les intérêts et contraintes individuels et les intérêts et contraintes du groupe, afin que l'intérêt collectif ne se fasse pas au détriment des intérêts particuliers. Ceci nécessite de toujours négocier qui fait quoi, au nom de qui, et en particulier qui signe quoi, (la question s'est notamment posée pour la rédaction de cette monographie).

ball_blu.gif (104 octets) Enfin, cette approche repose sur une profonde confiance mutuelle. Les enseignants ont pris confiance dans les orientations proposées par les chercheurs car ils ont eu les moyens d'en vérifier le bien-fondé, à partir des documents, des discussions, et des essais qu'ils ont entrepris dans leur classe, avec ou sans l'aide d'un collègue ou d'un chercheur. Les chercheurs ont pris confiance dans les capacités de l'équipe à s'approprier les principes proposés, à les concrétiser et à les faire évoluer.

4. Méthodologie de l'étude

Etoilej.gif (116 octets) 4.1. Position des auteurs de l'étude dans l'innovation et méthode d'enquête

Les auteurs de cette monographie sont partie prenante de l'innovation qui, nous l'avons dit, est le fruit d'une recherche-action.

En tant que chercheurs, ceux-ci ont apporté à l'équipe une méthode qui lie théorie et pratique, à travers notamment l'AER, et un cadre théorique : le constructivisme et l'interactionisme. Dans leur façon d'organiser et d'animer les réunions de recherche et de formation ils ont développé avec les adultes les pratiques qu'ils prônent pour les enfants. Dans leur manière d'analyser les vidéos et les productions d'enfants, ils ont entraîné les enseignants à développer un autre regard sur les apprentissages et sur les enfants.

Etoilej.gif (116 octets) 4.2. Les données recueillies au cours de notre recherche sont les suivantes

1. Enregistrements vidéo de séquences éducatives prises en classe et productions des élèves.

2. Enregistrements et compte-rendus des réunions d'équipe.

3. Cahiers de bord de cycle et de l'équipe tenus par les enseignants.

4. Interviews d'enseignants

5. Ecrits de l'équipe

Les cahier d'évaluation de fins de trimestres distribués aux parents figurent parmi les données mais ils n'ont pas encore été analysés systématiquement dans le cadre de la recherche.

5. Analyse de l'innovation

Etoilej.gif (116 octets) 5.1. Analyse du processus

Initiative

L'initiative de cette innovation revient aux acteurs eux-mêmes. Elle est soutenue par l'Inspecteur de l'Education Nationale dont les enseignants dépendent.

Périodisation : phases, étapes du processus voir plus haut

Moments, événements décisifs dans l'évolution

Avec le recul, le processus d'innovation, c'est-à-dire de coconstruction, semble passer par des étapes liées à des éléments déclenchants, même si ces éléments n'ont pas nécessairement lieu pour chacun au même moment et n'agissent pas de la même façon. Globalement, l'évolution est la suivante :

blue.gif (125 octets) adhérer au cadre théorique et "avoir envie d'essayer"

En règle générale ce sont les analyses de séquences filmées qui jouent le rôle déclencheur. Ces analyses mettent en évidence l'importance des interactions entre enfants pour les apprentissages et l'intérêt qu'il y a à les observer. Autrement dit, elles permettent de voir que "quand on a l'impression qu'il ne se passe rien, il se passe quelque chose". Mais c'est aussi de constater que certains enfants inhibés ou peu intéressés par la chose scolaire peuvent se manifester sous un tout autre jour lorsqu'on modifie les situations d'apprentissage et d'observation.

blue.gif (125 octets) remettre en question des dispositifs de base

Le désir d'essayer peut cependant rester sans effet. Pour procéder à des changements de fond, il faut affronter les problèmes de fond, quitte à "lancer un pavé dans la marre". Cette fonction est souvent remplie par des personnes non chargées de classe, donc libérées d'un certain nombre de contraintes, et dont la responsabilité prioritaire est d'aider au bon fonctionnement de tel ou tel projet d'équipe avec le souci de la participation de TOUS les enfants. C'est ainsi que Babeth (classe d'initiation) a mis le feu aux poudres en remettant en question des dispositifs (les groupes compétence, le soutien) auxquels tous tenaient, même s'ils n'en étaient pas entièrement satisfaits.

blue.gif (125 octets) décider de se lancer et de poursuivre.

Lâcher ce qu'on maîtrise bien pour s'aventurer dans l'inconnu est une position inconfortable. La prise de risque demande une organisation où chacun se sente en sécurité. La décision de concentrer les efforts d'innovation sur le premier trimestre de l'année scolaire, ce qui ménageait une marge de sécurité pour procéder à d'éventuelles réorientations, le fait d'être "tous ensemble", en se donnant les moyens d'échanger sur ce "comment on s'y prend" de façon plus intense et plus fréquente a un impact décisif pour que tous s'engagent.

blue.gif (125 octets) comprendre ce que l'on fait et trouver une synergie pour l'ensemble des projets et des personnes

L'école des Bourseaux, comme beaucoup d'écoles très actives, expérimentales ou pilotes, mène de multiples projets de front. D'où, pour certains, une impression d'activisme et de dispersion. Le résultat ? les projets, souvent "on ne les commence pas par le commencement et on va rarement jusqu'au bout". Pour recentrer, mettre en perspective, articuler, les moments de stage, où toute l'équipe est libérée de sa classe en même temps, sont indispensables. C'est dans ces périodes qu'on peut "recentrer les objectifs autour d'une ligne fédératrice", "élaborer l'emboîtement des projets qui existent les uns à côté des autres" et "prendre conscience de la situation et des préoccupations des autres". Et surtout, on constate que l'on a avancé sans trop s'en apercevoir dans la maîtrise d'une pratique qui met à profit l'organisation d'école que l'on s'est donnée : " on donne du sens au multiâge, au multicatégorie, au multitout"

Constitution de réseaux, de points d'appui

blue.gif (125 octets) L'Association de l'Ecole Ouverte des Bourseaux (AEOB) qui existe depuis l'ouverture de l'école, réunit des membres de l'équipe éducative, de la municipalité, et des parents : environ la moitié des familles sont membres de cette association. C'est une instance de discussion qui a pouvoir de décision sur les grandes orientations de l'école par la gestion financière de ces projets. Au sein de l'AEOB des commissions travaillent sur des thèmes comme la fête du livre ou l'accueil des nouveaux...

blue.gif (125 octets) Des associations travaillant sur le foyer SONACOTRA, entretiennent des relations régulières avec l'équipe éducative.

blue.gif (125 octets) Les appuis institutionnels de l'IEN responsable des Bourseaux et de l'adjoint de l'Inspecteur d'Académie chargé de la formation ainsi que de la Municipalité de Saint-Ouen-l'Aumône permettent de développer une dynamique d'école qui alimente un réseau d'écoles en train de se constituer.

blue.gif (125 octets) Les liens avec la crèche et avec le collège permettent de travailler dans la continuité.

blue.gif (125 octets) Sur le plan de la recherche, ce travail s'inscrit dans le programme du CRESAS approuvé par le Conseil Scientifique de l'INRP. Le travail mené aux Bourseaux alimente un séminaire de recherche et des journées d'étude auxquels participent des équipes associées (IUFM, Universités) à notre recherche sur l'hétérogénéité.

Facilitateurs et freins du développement

Les facilitateurs

ball_blu.gif (104 octets) le soutien des instances hiérarchiques et de la Municipalité qui sécurisent et valorisent les équipes et les aident à développer leur innovation. Pour ce faire, ces instances se mettent elles-mêmes en position d'innover pour identifier les blocages, inventer des solutions sur le plan organisationnel et administratif, orienter le travail de l'équipe pour que l'innovation se propage ou participe à la dynamique locale dont ils ont la charge ;

ball_blu.gif (104 octets) le fonctionnement administratif et pédagogique de l'école décrit ci-dessus et en particulier la présence d'enseignants non chargés de classe (demi-poste supplémentaire et participation de l'enseignante de la classe d'initiation),

ball_blu.gif (104 octets) les résultats positifs d'une évaluation faite avec la collaboration du collège sur les anciens élèves, qui rassurent les parents

Les freins

ball_blu.gif (104 octets) la lourdeur de la gestion interne et la dispersion des actions,
ball_blu.gif (104 octets) la fragilité du dispositif qui repose sur des moyens supplémentaires remis en cause chaque année,
ball_blu.gif (104 octets) le fait que l'équipe soit impliquée dans la formation initiale et continue sans que le rôle de pôle de formation ne soit reconnu à l'école.

Qu'est-ce qui a changé et pour qui ?

Au cours de cette recherche-action, les enseignants se sont approprié :

ball_blu.gif (104 octets) une méthode d'observation qui leur permet de capter les dynamiques d'apprentissage entre enfants,
ball_blu.gif (104 octets) une lecture de la réalité à travers un cadre théorique constructiviste et interactionniste,
ball_blu.gif (104 octets) une démarche pédagogique qui favorise le développement de dynamiques d'apprentissage dans des groupes hétérogènes d'apprenants.

Ces savoirs nouveaux donnent des armes aux professionnels pour gérer au mieux l'hétérogénéité des classes. Actuellement, ils sont capables de faire fonctionner des groupes multiâge et multiniveau de façon souple et dans la quasi improvisation, c'est-à-dire dans une athmosphère de vie et de réflexion, mais pas de leçon scolaire : on attend que chacun agisse et que chacun s'exprime et réfléchisse, sans que soient fixées d'avance les étapes et modalités du faire, du dire et du penser.

Dans cette dynamique où les enfants se plaisent à mobiliser leur réflexion, ils coopèrent à une même réalisation, mais chacun selon son âge, selon son niveau. Par exemple en cycle 2, dans les activités langage et grammaire, "les 3e années (CE1) poussent aussi loin qu'ils le peuvent la réflexion sur la langue alors que les 1eres années (grandes sections) en restent plutôt au côté ludique".

La collaboration entre enfants de différents niveaux permet que les apprentissages se fassent sur la durée de façon plus naturelle, par l'utilisation répétées des mêmes notions dans des contextes et situations différents. On s'aperçoit alors que les plus jeunes peuvent emmagasiner des savoirs qui, d'après la progression fixée par les programmes, ne leur sont pas encore destinés tandis que la présence des moins expérimentés donne aux plus grands de multiples occasions d'expliquer les notions qu'eux-mêmes n'ont pas encore bien intégrées, ce qui est un moyen de les approfondir et de les consolider.

Et pour les adultes, le fait d'anticiper les apprentissages sur trois ans estompe les angoisses et permet la souplesse d'organisation nécessaire pour que tous les enfants soient pris à un moment ou à un autre dans les mailles du filet des programmes scolaires.

Pour finir sur ce point, nous donnons la parole à l'équipe qui a fait le point sur cette question "qu'est-ce qui a changé et pour qui ? " lors d'un bilan qui a eu lieu fin avril 1997.

Les enseignants entre eux

"Ce qui a changé c'est la souplesse",

" On a mis en route l'observation ; on parle à chaud de ce qu'on a vu",

"Ce qu'il y a de bien cette année c'est qu'on est tous dans la même logique; ; on en parle à des moments informels, on se reprend les idées les uns et les autres",

" On se donne plus de liberté par rapport aux objectifs, on vit les choses, on ne les programme pas, on ne s'est pas dit "en décembre il faut avoir fait telle notion",

" Les échanges au niveau des adultes font prendre conscience de la richesse des situations ; savoir ce qui se passe ailleurs enrichit ta propre compréhension",

" Je ne pouvais pas me lancer toute seule dans une expérience comme ça, pourtant je sentais intuitivement que ça pouvait apporter. On va plus vite à le faire à plusieurs".

Les rapports aux enfants

" Une autre chose qui a changé c'est la façon qu'on a de regarder les enfants",

"C'est une nouvelle attitude d'esprit : ce n'est plus vouloir tout maîtriser de la démarche et de l'ensemble du groupe d'enfants ; c'est comprendre et se préoccuper de ce qui se passe dans un petit groupe, pour mieux comprendre l'ensemble" ,

"Ca permet de suivre les enfants", "on le faisait déjà un peu mais on se culpabilisait de le faire ; maintenant on se culpabilise de ne pas le faire assez".

Les enfants

"Les gamins aiment ; il y a une implication des enfants ; ils prennent plaisir",

"Ils réclament les ateliers CRESAS",

"Il y a une prise de conscience que la langue on peut la travailler, l'améliorer, rien n'est figé." ,

"Tous sont intéressés et voient que ce qu'on peut dire, on peut l'écrire.".

Les relations entre l'école et les "absents de l'école"

Les relations avec le foyer SONACOTRA ont énormément évolué : l'équipe a acquis une meilleure connaissance des conditions de vie des enfants, et des préoccupations prioritaires de leurs parents. Des femmes maliennes commencent à participer activement à des projets de l'école.

Etoilej.gif (116 octets) 5.2. Evaluation de l'innovation

5.2.1. L'innovation a-t-elle été évaluée ? et comment ?

Avant la mise en oeuvre de cette innovation, plusieurs études ont été menées pour évaluer les effets de la pédagogie des Bourseaux et s'assurer que les mesures prises pour éviter les redoublements ne conduisaient pas à une baisse de niveau. Ces études portent d'une part sur les résultats obtenus aux évaluations nationales de fin de cycle, d'autre part sur les résultats scolaires des anciens élèves des Bourseaux une fois passés au collège. Elles montrent que les élèves des Bourseaux se situent pour certaines matières dans la moyenne locale ou nationale et que pour d'autres, ils se situent au-dessus de la moyenne (préciser avec les chiffres).

Le développement de la pédagogie interactive dans tous les cycles et avec tous les enseignants date du début de cette année scolaire. Nous en attendons des effets immédiats bien sûr, mais pour obtenir une étude quantifiée des résultats scolaires, nous nous donnons une échéance de trois ans au minimum.

Pour les résultats immédiats il existe déjà plusieurs modes d'évaluation complémentaires qui sont liés à la démarche d'auto-évaluation régulatrice:

blue.gif (125 octets) L'observation informelle

Lors des réunions, les questionnements sur les effets des pratiques mises en place poussent souvent l'un ou l'autre à relater tel ou tel événement qu'il a enregistré sans en mesurer sur le champ la portée. En le racontant, on prend souvent conscience de l'importance de ce que l'on a vu et de certains critères d'évaluation habituellement négligés.

blue.gif (125 octets) Les observations sur le travail en petits groupes (notes écrites, enregistrements ou séquences filmées). Ces observations portent sur :

ball_blu.gif (104 octets) les démarches d'apprentissage des enfants
ball_blu.gif (104 octets) le mode de participation de chacun,
ball_blu.gif (104 octets) l'évolution de certains enfants observés à plusieurs reprises sur une période donnée

blue.gif (125 octets) L'analyse de l'évolution des productions

Il s'agit des productions orales (consignées par les adultes) ou écrites des enfants, mais également des dessins ou de toute autre forme d'expression produites dans les séances "langage et grammaire", mais également dans d'autres activités (en "contrats" notamment pour les productions écrites).

Elles permettent bien sûr de constater les acquis et d'identifier les questions à travailler. Elles permettent aussi de retracer l'évolution, "l'histoire intellectuelle" qui se joue chez un enfant d'une séance à l'autre ou dans un groupe d'enfants.

blue.gif (125 octets) L'analyse de l'évolution des acquis scolaires

Chaque équipe de cycle élabore des grilles d'évaluation pour remettre aux parents en fin de trimestre. Ces évaluations sont quantifiées. elles portent sur une même série d'épreuves soumises à tous les élèves d'une classe (1ère, 2ème et 3ème années confondues). Ces évaluations sont conçues pour situer les enfants dans leur niveau scolaire et dans le cycle et identifier les points à retravailler en fonction des groupes ou des individus (cf. Annexe). La tâche étant la même pour tous, les attentes varient bien-entendu selon l'âge et le niveau de chaque enfant.

Cette façon d'évaluer permet de constater des scores souvent surprenants de la part des enfants les plus jeunes qui manifestent des connaissances inattendues. Elle permet aussi que chacun se situe dans une progression globale de classe, ce qui, aux dires des enseignants, est encourageant, surtout pour les moins performants.

5.2.2. Effets observés

Ces effets portent essentiellement sur les points suivants :
1. L'implication d'enfants, auparavant récalcitrants, dans les apprentissages et dans les projets
2. La modification des rapports aux savoirs chez tous les participants

blue.gif (125 octets) l'implication d'enfants auparavant récalcitrants

Dans toutes les classes, on note que des enfants habituellement peu motivés ou bloqués dans leurs apprentissages s'impliquent dans les activités de langage et grammaire. Pour certains, on note des déblocages spectaculaires : c'est le cas d'un enfant de cycle 2 dont la participation aux activités et l'insertion dans la classe se sont radicalement transformés grâce aux activités marionnettes liées à la grammaire. Pour d'autres, c'est une évolution progressive et très régulière d'un comportement d'apprenant. C'est le cas des douze enfants pris en soutien qui dans leur totalité progressent dans l'apprentissage de la langue orale et écrite, y compris ceux qui étaient complètement bloqués. Par exemple Abd., un enfant du foyer, en 2e année de cycle 2 (CP) qui en début d'année scolaire ne savait pas écrire son prénom, et qui en février se montrait capable de composer des phrases à partir d'un stock de mots connus.

blue.gif (125 octets) rapports aux savoirs

L'intérêt réel que les enfants manifestent et l'appropriation naturelle à laquelle ils procèdent sont des indices révélateurs d'un nouveau rapport aux savoirs :

ball_blu.gif (104 octets) Tous les enfants de toutes les classes participent pleinement aux activités "langage et grammaire" et "ils poussent aussi loin qu'ils le peuvent la réflexion sur la langue".
ball_blu.gif (104 octets) Les enfants développent un goût pour le activités autour de la langue et de la grammaire en dehors des moments réservés à cette activité ; une animatrice dit être frappée par la richesse du vocabulaire que certains enfants déploient dans des productions écrites, telle institutrice rapporte que des enfants pendant les repas à la cantine se lancent spontanément dans des jeux d'enrichissement maximal de phrases.

Cet intérêt pour la langue est partagé par les enseignants eux-mêmes qui sont stimulés par l'enthousiasme et les trouvailles incessantes des enfants.

Ces deux types de critères : les "bonds en avant" d'enfants en grande difficulté sur le plan scolaire, et la qualité des rapports aux savoirs que tous, enfants et adultes développent, nous font penser que la voie dans laquelle nous nous sommes engagés permet de relever le défi : que tous les enfants apprennent sans mise à l'écart ni baisse de niveau .

Dans ces conditions qui permettent d'entraîner tous les adultes de l'école dans l'innovation et tous les enfants de l'école dans la démarche d'apprentissage, mais sur un long terme, les évaluations qui seront faites après trois ans porteront sur les résultats de fin de cycles nous permettront de voir si les effets de notre pédagogie s'inscrivent sur les résultats scolaires, et de dégager des critères pertinents avec notre démarche et nos objectifs.

5.2.3. Perspectives

Lors du bilan que l'équipe a effectué au mois d'avril 1997, nous avons dit que le travail a porté sur la réorientation des projets et des collaborations autour d'une ligne directrice : l'équilibration des relations, le partage et la réciprocité entre partenaires, l'objectif étant la participation de tous les enfants aux projets et aux apprentissages.

Ce bilan a donné lieu à un certain nombre de résolutions, notamment :

blue.gif (125 octets) que les animateurs et personnels de service participeraient dans la mesure du possible aux conseils de coopérative des classes engagées sur des projets impliquant leur participation. Cette décision devrait éviter le sentiment de certains d'être instrumentalisés et ajouter à l'efficacité des actions.

blue.gif (125 octets) que les enfants participent pleinement à l'organisation des projets d'école, par exemple à la fête du livre qui aura lieu prochainement ; ceci pousse à repenser l'articulation entre les différentes instances de décisions : quels liens entre l'Association de l'Ecole Ouverte des Bourseaux où les enfants ne sont pas présents, et les conseils de coopérative qui fonctionnent dans l'école ?

Lors d'une entrevue que l'équipe a eue avec son IEN à la suite du stage, plusieurs points importants ont été traités : la visibilité de l'école notamment par rapport à la hiérarchie, la reconnaissance du rôle que l'équipe joue dans la formation.

Des suggestions ont été faites :

ball_blu.gif (104 octets) organiser des réunions régulières (une ou deux par an) entre l'école, l'IEN et son équipe et les professeurs de l'IUFM impliqués dans les instances qui décident des orientaitons de la formation
ball_blu.gif (104 octets) constituer au niveau de l'Académie un annuaire des innovations dans le primaire, sur le modèle de celui qui existe déjà pour les collèges,
ball_blu.gif (104 octets) nommer un délégué académique pour aider les établissements innovants à "partager les réussites"

5.2.4. Leçons tirées

La rencontre entre l'équipe du CRESAS et l'équipe des Bourseaux nous permet de mettre nos conceptions, qui peuvent sembler utopiques, à l'épreuve de la réalité "en grandeur réelle".

L'idée centrale consiste à inscrire les démarches d'apprentissage des enfants dans une perspective sociale et pédagogique que l'école assume pleinement à travers des instances, des projets, et une démarche axés sur l'instauration de relations dites équilibrées ou de réciprocité entre partenaires d'action et de réflexion. Le projet socio-pédagogique d'école est mené en ce sens. Il se construit à travers le dialogue entre tous les partenaires : dans l'équipe, avec les enfants, les parents, et fédère les actions éducatives menées à l'initiative des uns et des autres. Les actions éducatives sont conduites en s'assurant de façon rigoureuse (mais non rigide) qu'elles servent bien le développement socio-affectif et intellectuel de chaque enfant. Cette démarche nécessite une méthode (ici : l'auto-évaluation régulatrice) et un cadre théorique (ici : constructiviste et interactioniste) qui s'élaborent à travers différents degrés de distanciation sur les pratiques pédagogiques : observations en classe, discussions à chaud avec les collègues, réunions de cycles, d'équipe, dialogue avec les parents, l'inspecteur, confrontation avec des équipes extérieures.

Cette innovation se démultiplie par deux voies : à travers les formations inscrites au Plan Académique de Formation - et l'amorce de réseau qui en est issu - et à travers l'action des "anciens des Bourseaux" : il s'agit d'enseignants ayant fait partie de l'équipe et qui depuis ont été nommés dans d'autres écoles. Ces enseignants y assument souvent des fonction de maîtres- formateurs liés à un IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres) ou de direction à travers lesquelles ils cherchent à dynamiser leur nouvelle équipe. Ainsi, la "mise de fond" considérable faite aux Bourseaux ouvre "la voie des possibles" à d'autres écoles qui se débattent avec des réalités insitutionnelles moins idylliques. En s'appuyant sur l'expérience rassurante de leurs collègues, ces équipes trouvent à leur tour des solutions originales qui élargissent la voie.

C'est ce qui se passe au sein du réseau d'équipes qui fédère et catalyse un ensemble de "surgeons" pour créer dans un moyen terme une dynamique locale dans le département.

Cette innovation est encadrée par des chercheurs. Aux dires des enseignants, la fonction d'impulsion et de régulation qu'ils assument à travers une semi-extériorité est indispensable. C'est pourquoi nous pensons qu'il est nécessaire de former des personnels d'encadrement ayant pour vocation de remplir ces fonctions. Nos expériences nous ont montré que nos partenaires de terrain ayant participé pendant plusieurs années à des recherches-actions peuvent assumer de telles fonctions pour d'autres écoles. Reste à trouver les voies administratives qui permettraient au système éducatif de tirer parti de l'expérience et de la polyvalence de ces professionnels.

5.2.5. Signification par rapport au système

Au début des années 80, les innovations socio-pédagogiques menées aux premières années des Zones d'Education Prioritaires ont permis de développer un grand nombre d'initiatives pour lutter contre l'échec scolaire. Certaines de ces innovations, soutenues par les personnels chargés de l'encadrement, les organismes de formation et les collectivités locales, ont enclenché des dynamiques locales entre les écoles et leurs partenaires. Les premières évaluations menées à l'échelon national après deux années de fonctionnement ont montré une nette amélioration de l'atmosphère de travail dans les établissements et la réinsertion scolaire d'élèves en situation d'exclusion. Par contre, sur le plan des résultats scolaires, faute d'orientations, de soutien, de temps ou de méthode, les résultats attendus ont rarement été obtenus. L'évaluation d'autres initiatives impliquant des partenariats (Contrats de Ville, Aménagement du temps de l'Enfant...) ont aboutit à des conclusions allant dans le même sens.

Actuellement, de nombreux pays voient dans une organisation de l'école primaire par cycles et dans le développement d'une pédagogie "centrée sur l'enfant" un nouveau moyen de lutter contre les échecs scolaires. Les premières études menées en France montrent la difficulté que les écoles et leurs encadrants rencontrent pour mener à bien une telle entreprise.

L'innovation menée aux Bourseaux est liée à ces grands mouvements dans et autour de l'école. Grâce à ses conditions de fonctionnement et à une démarche de coconstruction faite de longs mûrissements et de brusques prises de conscience, plus ou moins agréables ou douloureuses, elle en pousse la logique aussi loin que possible.

Cette expérience engage une transformations à trois dimensions : celle de la dynamique socio-éducative locale (du type des Zones d'Education Prioritaires), celle de la transformation de l'institution (l'organisation en cycles), celle de la production de connaissances psycho-pédagogiques et disciplinaires (les processus d'apprentissage interactifs, les conditions qui les favorisent, les champs notionnels à transmettre).

Elle aboutit à un fonctionnement qui remet profondément en question l'organisation de base de l'école actuelle, à savoir : un enseignant pour une classe d'enfants, une classe constituée d'enfants de même âge et de même niveau, une succession de notions à travailler dans un ordre prédéterminé, des temps scolaire coupés des temps extrascolaire...

Elle repose sur la constitution d'une équipe cohérente et multistatutaire qui se sent capable de mieux répondre aux besoins socio-pédagogiques des élèves et de leurs familles, et qui souhaite contribuer à la redéfinition de la fonction des enseignants, de leur formation et du mode d'attribution des postes.

Pour aider le développement de ce travail d'équipe et de réseau, les instances de tutelle locales jouent un rôle essentiel car elles ont la capacité et la volonté de procéder aux aménagements utiles à la création "d'espaces de liberté contrôlés" nécessaires à l'expérimentation sociale et à la formation.

Le moteur de ce travail, ce sont les progrès des enfants : à mesure que la dynamique se développe, elle produit des effets qui impressionnent les adultes car ils prennent conscience des potentialités de chacun de leurs élèves et de l'intérêt de leurs idées. Rétrospectivement, ils mesurent également leurs propres capacités à trouver des solutions originales pour que chaque enfant puisse se manifester et se développer dans la collectivité.

Etoilej.gif (116 octets) Annexe 1 : Bibliographie

BOUVIER (N.), BELMONT-ANDRÉ (B.) (eds.) (1994). Les cycles en actes : organisation de la scolarité en cycles. Paris : INRP.

CLERC (P.) (1993). Le multiâge. Paris : Nathan, coll. Méthodologie.

CRESAS (1987). On n'apprend pas tout seul. Interactions sociales et construction des savoirs. Paris : ESF.

CRESAS (1991). Naissance d'une pédagogie interactive. Paris : ESF Editeur/INRP.

CRESAS (1991). Les inspecteurs de l'Education nationale et la mise en oeuvre de la scolarité par cycles à l'école primaire. Paris : INRP.

CRESAS (1989) Ecole et quartiers. Des dynamiques éducatives locales. Paris : L'Harmattan-INRP, coll. Cresas n°8.

HARDY (M.), PLATONE (F.) (1992). Interactions en groupe et construction des savoirs : le cas de la langue écrite en grande section maternelle in Problématique des cycles et recherche. Repères n°5, Paris : INRP.

HARDY (M.), PLATONE (F.) ROYON (C.) (1996). Faire communiquer pour faire apprendre. Une pédagogie interactive pour explorer la langue in Interactions : dialoguer, communiquer. Le français aujourd'hui n°113, Paris.

HUGON (M.), SEIBEL (C.) (eds.) (1988). Recherches impliquées, recherches action : le cas de l'éducation. Bruxelles : Edit. De Boeck Wesmael.

PLATONE (F.) (1993). Pourquoi innover ? in Ainsi change l'école. L'éternel chantier des novateurs. Autrement n° 136, Paris.

RAYNA (S.), LAEVERS (F.), DELEAU (M.) (eds.) (1996). L'éducation préscolaire : quels objectifs pédagogiques ? Paris : Nathan/INRP.

STAMBAK (M.) et al. (1983). Les bébés entre eux. Paris : PUF.

Etoilej.gif (116 octets) Annexe 2 : Récit du déroulement de l'innovation

I - 1993-1996 : SE DÉCIDER ET S'ORGANISER

AN 1 - Premiers contacts et sensibilisation à la pédagogie interactive

C'est la période des premiers contacts entre l'école des Bourseaux et deux chercheurs du CRESAS, grâce à l'initiative d'une responsable départementale de l'OCCE (office central de la coopération à l'école...). Dans cette première phase, les chercheurs s'informent sur l'organisation, l'histoire et le fonctionnement de l'école, prennent connaissance du fonctionnement coopératif et, à travers une démarche de formation-action, ils sensibilisent l'équipe des Bourseaux à la pédagogie interactive élaborée au CRESAS.

Les premières questions traitées dans le cadre de cette sensibilisation portent principalement sur les problèmes rencontrés par l'équipe, à savoir l'intégration des enfants maliens et la gestion du travail par groupesqui est une pièce maîtresse de l'enseignement aux Bourseaux. Pour avancer sur ces questions en concertation avec l'équipe, les chercheurs filment des séquences dans les classes et soumettent ces séquences à l'analyse collective.

Dans cette première phase, le travail est centré sur :

* l'accueil des enfants et de leur famille (films tournés dans les classes du cycle 1 entre 8heures 30 et 9 heures, quand les enfants arrivent de façon échelonnée dans leur classe)

* l'observation des enfants dans les temps d'activités libres (ateliers à l'accueil au cycle 1, "temps calme" en début d'après-midi au cycle 2)

* le rôle des adultes pour soutenir la réflexion des enfants travaillant en groupe (film sur la collaboration entre deux enfants de cycle 2 qui rédigent une lettre à des correspondants)

L'analyse met en évidence :

1. L'inégalité des enfants et de leurs familles devant l'école : à l'accueil du matin, les adultes qui accompagnent leurs enfants en classe manifestent qu'ils maîtrisent les règles de fonctionnement de l'école dans laquelle ils se sentent à l'aise, ce qui paraît être très aidant pour leur enfant ; d'autres n'en franchissent pas le seuil. C'est le cas de la quasi-totalité des parents maliens.

2. Dans les activités de jeux libres, les enfants sont capables en groupes multiâge de se tenir longtemps à des tâches complexes en développant des dynamiques d'apprentissage entre eux : par exemple au cycle 2 autour d'un jeu de cartes ou au cycle 1 dans les coins poupée, construction ou petites voitures.

3. L'adulte peut favoriser ces échanges constructifs dans les activités plus scolaires, comme l'expression écrite. Pour y parvenir, il doit s'efforcer de comprendre ce qui se passe, ce qui lui permet d'attribuer de la valeur aux idées et formulations des enfants, et de s'appuyer dessus le cas échéant. Un échange sur un problème de ponctuation, filmé en vidéo, qui met en scène deux enfants en présence de leur maître, illustre cette position, et permet de convaincre une partie des enseignants du bien-fondé de cette option (c.f. P.J Le point).

Cette première étape donnera lieu à des essais de transformation de la part des enseignants, à des tâtonnements plus ou moins collectifs, plus ou moins suivis. L'ensemble constituera les premiers linéaments d'une démarche pédagogique constructiviste et interactioniste dans l'école.

AN 2 - Premiers bouleversements

Cette première sensibilisation débouche sur la désir de mener en commun un travail approfondi. Cette collaboration intéresse les chercheurs car elle concerne une école entière, que cette école s'est forgé une expérience de travail coopératif au niveau des adultes comme des enfants, que l'équipe est ouverte à la discussion et réellement soucieuse de chaque enfant. Les enseignants quant à eux voient dans cette collaboration une possibilité d'avancer dans les questions qu'ils se posaient antérieurement et de surmonter des problèmes que, seuls, ils ne parvenaient pas à traiter de façon satisfaisante.

Cependant, la lourdeur de la gestion interne à l'école, la multiplicité des projets menés parallèlement, les priorités qui ne sont pas établies, a pour résultat que chacun court après le temps pour parer en permanence au plus pressé. Ce contexte n'est pas favorable au développement d'un projet de recherche qui a ses exigeances.

C'est ainsi qu'au troisième trimestre l'objet du travail n'est toujours pas précisé, le mode de collaboration reste flou, la recherche-action n'est pas vraiment engagée.

Lorsque les deux chercheurs sont conviées par les enseignants du Cycle 2 à une de leurs réunions portant sur les groupes compétences en grammaire, c'est avec réticence qu'elles s'y rendent. Elles pensent d'abord que c'est une réunion de plus qui n'aura pas de suite. Elles estiment en outre que l'organisation des groupes compétences est peu favorable à l'aménagement d'espaces de liberté nécessaires pour entreprendre une expérimentation pédagogique : en effet, les activités qui y sont menées sont pensées par l'équipe selon une progression définie par avance de façon très, - ou trop - précise. Peu de place donc à l'imprévu, à la recherche. De plus, l'intérêt des chercheurs est focalisé sur la gestion de groupes hétérogènes, or les groupes de compétence sont par principe homogènes.

Profitant que cette réunion se tient en présence des chercheurs, Babeth, l'institutrice en charge des migrants "met les pieds dans le plat" ; elle fait part à ses collègue de son insatisfaction avec beaucoup d'emphase et d'amertume : le groupe dont elle est responsable est essentiellement constitué d'enfants du foyer SONACOTRA ; elle ne parvient pas à les intéresser aux activités proposées, en début de séance ils perdent beaucoup de temps pour régler les conflits qu'ils ont au foyer ; en six séance, aucun n'a progressé assez pour passer dans un groupe plus fort. Babeth pose la question : doit-on conclure que ces résultats décourageants sont dûs à sa propre incompétence? est-elle seule à avoir des difficultés ? l'existence de ce groupe "ghetto" est-elle vraiment souhaitable ?

Les chercheurs questionnent pour comprendre l'organisation de ces groupes ; ce faisant, le questionnement met en lumière les dysfonctionnements auxquels on s'attachera à trouver des solutions.

L'organisation des groupes compétence

Les groupes compétence grammaire sont organisés sur les quatre classes du cycle deux. Les enfants sont répartis en cinq groupes sur la base de tests de connaissances. Les groupes les plus faibles sont moins nombreux que les groupes les plus forts afin de permettre de porter plus d'attention aux enfants les moins avancés. Ces cinq groupes sont organisés pour une durée de six semaines et ont lieu une à deux fois par semaine. Le but est que les enfants puissent passer dans un groupe plus fort après un nombre de séances restreint.

Ces groupes sont pris en charge par les quatre enseignants du cycle 2 et par l'enseignante de la classe d'initiation : c'est elle qui est chargée du groupe le moins avancé. Simonne, une dame de service, collabore à ce travail en se mettant à la disposition de l'équipe pour aider à l'animation ou à l'observation. Les adultes se réunissent régulièrement pour faire le point sur les enfants, décider des progressions et partager les outils (jeux, consignes...).

Dysfonctionnements et solutions

- les activités proposées sont surtout des exercices d'entraînement ; or, la grammaire n'est-elle pas avant tout une réflexion sur le fonctionnement, sur la structure de la langue ? dans une optique constructiviste, ne serait-il pas alors plus efficace de favoriser la réflexion sur la langue qui est une activité qui intéresse tout enfant dès qu'il apprend à parler ?

- la répartition actuelle des enfants aboutit à la constitution de groupes faibles peu stimulants : selon l'optique interactionniste, dans une activité axée sur la réflexion sur la langue, des enfants ayant des compétences linguistiques différentes n'ont-ils pas tout à gagner à travailler ensemble ?

- les réunions entre adultes sont centrées sur le partage des outils : ne serait-il pas intéressant de mener la réflexion sur les démarches pédagogiques en ménageant des temps d'observation mutuelle ou de coanimation ?

Même si chacun ne partage pas le même degré de conviction, l'équipe s'engage dans cette nouvelle orientation en passant immédiatement à l'acte : les groupes compétences sont dissous, sauf celui des plus avancés constitué des enfants de 3e année de cycle 2, c'est-à-dire des enfants de CE1 qui doivent être prêts à passer l'année suivante au cycle 3.

Les séquences grammaire se feront dans les classes en groupes multiâge. Tous les enseignants du cycle se lancent dans des essais plus ou moins répétés et systématiques. Les tâtonnements et leurs effets sur les enfants sont relatés lors de réunions de cycles ou d'équipe. Patrick, très convaincu par l'orientation que nous avons imaginée ensemble, a expérimenté de façon particulièrement rigoureuse la nouvelle façon de faire. Il est en mesure d'expliquer de façon détaillée sa démarche et les effets obtenus sur les enfants : pour travailler le temps des verbes, il a demandé aux enfants d'inventer en petits groupes des histoires courtes commençant par "il y a très longtemps" ou "en l'an 2 000" ; chaque groupe constitué d'un récitant et de deux mimes devait présenter son histoire au grand groupe. Suivaient des échanges pour comprendre les événements et analyser les tournures de phrase, l'enseignant prenant soin de noter les formulations exactes des enfants : "petit" et "grand futur", "le présent d'avant"... autant de découvertes utiles à l'apprentissage de la grammaire formalisée.

Mais que faire de ces productions ? comment continuer ?

Telle est la question qui se pose en cette fin d'année scolaire.

Parallèlement à ce travail dans lequel elle s'est aussi engagée, Babeth initie de multiples actions autour du foyer SONACOTRA dans lesquelles elle entraîne l'école: participation du foyer au rallye organisé par l'école, ... Elle participe également à des actions engagées par différents partenaires dans le foyer : groupe d'alphabétisation pour les femmes, XXX, ... que nous ne relaterons pas dans le cadre de cette

monographie mais qui ont sans doute des effets sur l'insertion des enfants maliens.

 AN 3 - la coformation

Lors de cette troisième année de collaboration, quelques séances de "langage et grammaire" où l'on "fait CRESAS" demeurent au cycle 2 et certaines sont filmées ; de telles séances s'implantent également au Cycle 3 par l'intermédiaire notamment de Patrick qui a quitté le Cycle 2 pour s'occuper des plus grands. Au cycle 1, le travail est plus global et concerne toujours l'organisation générale des activités et la place de la communication. Un des points nouveaux abordés cette année-là concerne l'emploi du temps des enfants. Les chercheurs insistent sur le fait que trop souvent les enfants sont interrompus dans leurs activités de façon arbitraire, et que ces interruptions surviennent souvent à des moments inopportuns du point de vue du développement de leurs actions et de la réflexion.

Ces premiers éléments de réflexion sur la gestion du temps, sur l'articulation des activités entre elles sont posés pour le cycle 1 vont être repris dans les deux autres cycles.

Si le travail de recherche n'avance qu'à petits pas, c'est que l'année va être presqu'entièrement absorbée par un autre projet suscité par l'Inspecteur (IEN) nouvellement arrivé qui cherche à faire entrer le travail effectué au sein de l'école dans une dynamique locale entre écoles. L'équipe Bourseaux et le CRESAS prennent donc en charge conjointement l'organisation et l'animation d'un stage départemental ; ce stage, qui a lieu à l'école des Bourseaux, sera une formation-action à la pédagogie coopérative et interactive et sera adressé aux candidats éventuels à un poste aux Bourseaux ainsi qu'aux équipes tout venant intéressées par la démarche. Organisé en trois sessions de façon à faire alterner les temps de formation avec les temps de mise en oeuvre sur les terrains, il sera mené sur les mêmes principes que la pédagogie interactive, mais transposée aux adultes (c.f.Pièce Jointe).

Lors des sessions, les formés sont invités à prendre connaissance du fonctionnement des Bourseaux à travers la présentation de documents écrits ou filmés mais également et surtout en menant des observations dans les classes qui sont ensuite discutées avec les intéressés. Parmi ces observations, les "réunions coop' " et les "séances CRESAS" dites aussi de "langage et grammaire".

Les formés sont également engagés à concevoir au cours du stage des projets de pédagogie coopérative et interactive qu'ils mettront en oeuvre à leur retour sur le terrain, en se donnant les moyens d'en évaluer les effets sur les enfants. Lors des autres sessions, le travail portera essentiellement sur l'analyse et la confrontation des expérimentations relatées ou filmées par les participants.

Le bilan effectué en fin d'année avec les stagiaires fait apparaître que tous sont intérssés par la démarche enclenchée si bien qu'ils demandent à poursuivre le travail l'année suivante pour le consolider. Cette suggestion donnera naissance à un petit réseau de cinq équipes de terrain.

En ce qui concerne la recherche, ce stage aura été l'occasion pour les chercheurs de mettre en oeuvre en tant que formateurs les pratiques pédagogiques qu'ils prônent à leur partenaires des Bourseaux. Deux aspects auront tout particulièrement été discutés avec eux :

blue.gif (125 octets) la nécessité d'ajuster les pratiques des formateurs aux réactions des stagiaires, quitte à modifier l'organisation prévue tout en maintenant les objectifs,

blue.gif (125 octets) la façon de cadrer les différentes activités autour de fils conducteurs qui se tissent à partir de la réflexion menée dans le groupe sur les actions observées ou projetées.

Cette pratique menée en commun permettra aux chercheurs du CRESAS et aux enseignants des Bourseaux de mieux s'accorder sur une même conception des conditions favorables à la construction des connaissances de chacun.

Cette année scolaire se conclut sur la satisfaction d'avoir mené ensemble à bien une formation. Mais de la part du CRESAS, une insatisfaction concernant la recherche-action sur l'apprentissage de la grammaire qui n'a, du moins en apparence, pas avancé. Or, les deux chercheurs se sont engagées vis à vis de leurs collègues à mener cette action qui fait partie d'une nouvelle recherche du CRESAS, recherche acceptée par le Conseil Scientifique de l'INRP et qui doit se mener sur les trois années à venir. Lors de la réunion de bilan de fin d'année, les chercheurs mettent les choses au point : soit la recherche-action est une priorité de l'équipe qui se donne les moyens de la mener à bien avec les chercheurs ; soit elle se fera ailleurs.

L'année scolaire suivante, les ateliers CRESAS-grammaire seront une priorité pour toute l'équipe.

II. 1996-1997 : RECHERCHE-ACTION ET RESEAU

Septembre 96 -Avril 97 : Recentrage et développement

Dès le début de l'année scolaire, l'ensemble de l'équipe s'engage dans l'organisation des "ateliers CRESAS" en "langage et grammaire". L'enjeu est de permettre à chaque enfant de participer et de comprendre. Aussi va-t-on favoriser le travail en petits groupes, et aménager autant que possible un travail par demi-classe avec l'aide des animateurs.

L'idée principale est constructiviste et interactionniste : il s'agit de partir de ce que savent dire les enfants pour les amener progressivement à prendre conscience de ces savoirs, à découvrir les règles d'utilisation et de fonctionnement de la langue, et à les formaliser pour en arriver aux concepts grammaticaux. Pour concrétiser ces idées, on décide d'engager les enfants dans des activités centrées sur l'expression, et de lier la "grammaire de l'oral" à la "grammaire de l'écrit". Dans cette perspective, les adultes n'ont pas à prévoir de progression a priori ; par contre, ils ont en permanence à opérer un "strabisme divergent" pour filtrer, cadrer, lier ce que produisent les enfants en référence aux grandes rubriques définies par les programmes qui régissent les cycles d'apprentissage : niveaux de langage, précision du vocabulaire, formes de phrases, fonctions, nature des mots, conjugaison...

Parallèlement à ces séances de libre exploration de la langue, une approche plus formalisée de la grammaire peut être entreprise en cycles 2 et 3 à d'autres moments, également en groupes multiâge, mais avec des exigences différentes selon l'âge et le niveau des enfants. Si le besoin se fait sentir, rien n'empêche par ailleurs de constituer des groupes de 3e année de cycle pour mieux les préparer à l'étape suivante.

Pour bien ajuster les interventions des adultes aux propositions, découvertes et questions des enfants, pour faire évoluer les activités, pour partager la démarche, il vaut mieux être deux adultes pour un même groupe d'enfants : deux à animer ou l'un qui anime et l'autre qui observe. Pour permettre une telle organisation, l'institutrice de la classe d'inititation et une dame de service sont intégrées au travail.

Au cycle 1, il s'agira surtout de créer une ambiance de communication et de favoriser en permanence l'expression de chacun dans les activités les plus variées. Au cycle 2, l'accent est mis sur la prise de conscience des règles de fonctionnement de l'oral : jeux de langage, comptines, marionnettes, expression théâtrale seront les points de départ du travail d'analyse.

Au cycle 3, ce sont les ateliers d'écriture de biographies qui serviront de points de départ. Suivront des ateliers d'écriture de poésies pour les uns, de nouvelles policières pour les autres.

Dans les cycles 2 et 3, les séances ont lieu une à deux fois par semaine, ou plus, selon les besoins. Certaines de ces séances ont été filmées par les chercheurs. Les réunions de cycle se tiennent deux fois par semaine. C'est dans ce cadre que le point est fait régulièrement sur l'avancée du travail. Les chercheurs participent aux réunions qui sont consacrées à l'avancée de la recherche. De plus, ils animent des réunions de recherche rassemblant tous les enseignants de l'école à une fréquence d'environ deux fois par trimestre.

L'acquis de cette année, c'est la capacité que les enseignants se forgent à gérer une construction des savoirs qui se fait de façon non linéaire, et de faire évoluer ces savoirs en les cadrant tout en laissant une large part à l'improvisation. C'est aussi, par ce moyen, de provoquer une réelle participation de chaque enfant à la réflexion commune.

Progressivement, les enseignants intègrent ces principes dans leur pratique quotidienne. Ainsi ils disent "faire CRESAS ailleurs que dans les ateliers CRESAS". C'est que peu à peu, ils apprennent non seulement à susciter les démarches d'apprentissage spontanées des enfants, mais surtout à "savoir quoi en faire" pour faire évoluer l'activité et chacun dans le groupe.

Dans cette perspective, les séances sont articulées entre elles, et les situations progressent dans un projet qui se dessine peu à peu avec la participation active de chacun. Donnons un exemple au cycle 3

En début d'année, le thème d'activité proposé aux enfants desquatre classes de ce cycle porte sur les biographies. A partir de l'étude d'extraits d'ouvrages, d'articles, de dictionnaires, de journeaux, il s'agit d'abord de définir les caractéristiques de toute biographie et d'étudier différents types de textes. Ce travail aboutit à une liste orfonnée de ce que l'on a découvert, en respectant les formulations propres des enfants et les différentes entrées proposées. La tâche suivante consiste pour chaque enfant à dresser une frise chronologique qui retrace les éléments de sa vie qu'il est d'accord de relater. Ces éléments, complétés oralement à la demande, constituent la base d'une rédaction menée en petits groupes. Pour rédiger les biographies à partir des frises, un travail de transformation est nécessaire : modification des temps, passage de la 1ère à la 3ème personne, passage d'un style télégraphique à l'élaboration d'un texte...A partir d'une première écriture, on procède à la correction et à l'emb.ellissement des écrits. Le travail principal porte sur la précision et la richesse du vocabulaire et sur la forme des énoncés... C'est l'occasion de travailler sur les compléments de nom et de traduire dans un langage grammatical codé les formulations spontanées utilisées par les enfants. Toutes les biographies seront ensuite tapées au traitement de texte pour constituer un livre. Ce travail sera mené en salle informatique sous la responsabilité d'une animatrice.

Les évaluations de fin du trimestre porteront largement sur les compléments de nom, et ce pour les enfants de toutes les années du cycle (CE2, CM1, CM2).

Parallèlement à ces ateliers, le CRESAS accompagne la mise en oeuvre de groupes de soutien en langage et écriture mis en place sur les principes de la pédagogie interactive par l'enseignante de la classe d'initiation pour les enfants du cycle 2. Ces groupes sont constitués en majorité d'enfants du foyer, mais cette fois ils sont mêlés à d'autres enfants. De plus, ces groupes sont relativement hétérogènes du point de vue des savoirs des enfants, pour garantir une stimulation et une dynamique satisfaisantes. Les séances de travail, d'une durée d'une demi-heure, sont quotidiennes. Ce qui se fait dans ces ateliers de soutien est étroitement lié à la vie des classes de rattachement. Ainsi par exemple, le fichier établi en soutien a été utilisé dans les classes, selon les directives des enfants qui l'ont constitué.

L'ensemble de ces transformations ainsi que le travail en direction du foyer SONACOTRA qui se développe de plus en plus auront des effets très visibles notamment sur l'ensemble des enfants du foyer : ceux-ci se fondent dans la vie de l'école et ne posent plus de problèmes particuliers.

Mais l'école n'est pas seulement impliquée dans la recherche-action. Certains membre des l'équipe participent également à l'animation du petit réseau de cinq école qui s'est constitué à la suite de la formation. Ce réseau travaille sur le même thème que l'école des Bourseaux, selon une démarche semblable et dans la même perspective, pour un projet commun : communiquer aux journées organisées par le CRESAS et l'Universite Paris-Nord en novembre 1997 sur le thème de la gestion de l'hétérogénéité. Pour celà, on se donne une méthode de travail pour analyser et confronter les avancées de chacun.

La confrontation permet à chaque équipe de se situer dans une communauté de pensée, les évaluations partielles et insatisfaisantes de chacun prennent un sens quand elles sont mises en commun.

Avril 1997 : bilan et partage

Fin avril 1997, un stage d'école d'une semaine a lieu pour l'ensemble de l'équipe des Bourseaux, c'est-à-dire les 13 enseignants, les 4 animateurs, les 3 dames de service et les 2 chercheurs.

Le stage a été organisé conjointement par les enseignants et le CRESAS. Il se déroule en deux temps : un temps centré sur la vie coopérative, un temps centré sur la recherche avec le CRESAS. La visée du stage est de faire le point sur la congruence entre les intentions (vie coop', équilibre des relations) et leur traduction en actes.

L'animation est prise en charge par le CRESAS qui veille d'une part à ce que chaque catégorie de personnel trouve sa place et participe à la réflexion et aux décisions, et d'autre part à l'articulation des différents moments pour qu'ils permettent une réelle construction.

Ce stage permet surtout de mettre en commun, avec toute l'équipe éducative, ce qui a été fait depuis quatre ans et d'ouvrir sur de nouvelles perspectives. Cette mise en commun permet d'établir des priorités, et de mieux articuler les projets entre eux pour éviter l'impression de dispersion. Elle permet également de s'accorder tous ensemble sur les principes pédagogiques fondamentaux.

Discuter1.gif (1097 octets)

Commentaires1.gif (1843 octets)

Aide1.gif (886 octets)

© Innova : Observatoire européen des innovations en éducation et en formation / European Observatory for Innovation in Education and Training, juin 1998.